Réformer les Grandes Ecoles
Tout a été dit ou presque sur les Grandes Ecoles françaises, et rien ne change. Ce n'est pourtant pas faute d'une prise de conscience au sein de ces institutions. Les efforts d'internationalisation des unes, la suppression du classement de sortie des autres, la formation au management ou à l'économie des ingénieurs relèvent d'une indubitable volonté d'évoluer. Mais suivre la modernité est une chose, vouloir une réforme profonde en est une autre.
Sans doute est-il vain de demander aux Grandes Ecoles de se réformer elles-mêmes, de l'intérieur. Leur succès ne se dément pas. D'année en année, elles attirent les meilleurs professeurs, les meilleurs élèves se précipitent à leurs portes. Oh il y a bien ici ou là quelques alertes: le classement de Shanghai ou l'absence criante des ingénieurs français des palmarès mondiaux. Mais ceci n'est pas de nature à troubler vraiment la donne. En termes économiques et sociaux, la "demande" du produit Grandes Ecoles est là, et pour longtemps.
Nous savons le nombre de diplômés insuffisant au regard des besoins économiques du pays, mais ce n'est pas le plus important. Le juste diagnostic est celui du rapport "coût-efficacité" du système au plan social. Et à cet égard le doute n'est pas permis, notre dispositif distille un poison sournois. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer les dégâts collatéraux créés dans le sillage des diplômés de Grandes Ecoles tout au long de leur cursus. Pour un élève admis, au départ, c'est une dizaine d'autres dont l'échec au concours a sonné comme un glas. Dix jeunes gens de vingt ans à peine qui leur vie durant ressassent l'écroulement de leur rêve. Pour eux et pour beaucoup d'autres, combien de portes fermées, de promotions différées, d'ambitions étouffées tout au long de leur vie professionnelle!
Osons dire que dans notre pays la promotion au mérite est rare. Le ciel, chez nous, n'est pas la limite. Pour un heureux élu issu d'une Grande Ecole, notre système fabrique plusieurs dizaines, peut-être une centaine de résignés. Notre pays ne peut plus supporter un tel gâchis.
La solution nécessaire et peut-être suffisante serait de redistribuer la fierté dans le monde étudiant. La fierté et l'espoir que le jeu n'est plus fermé. Nous avons en France une dizaine de Grandes Ecoles et quelques Universités de grand renom. Pourquoi ne pas agréger autour de ces pôles de prestige les enseignements universitaires « classiques », comme le Droit, les Lettres ou l'Economie. Faire cohabiter les étudiants sur un unique campus. Créer un diplôme commun, décliné selon les spécialités: Sorbonne MBA, Polytechnique Law School, HEC Lettres. L'élève échouant à Polytechnique Sciences garderait ainsi ses chances pour Polytechnique Lettres ou Droit. Ré-aménageons les concours d'entrée en nous inspirant des méthodes d'admission parfaitement rôdées à Harvard ou à Berkeley. Comme aux Etats-Unis nous devons pouvoir élargir le nombre de diplômés sans dévaluation de qualité, bien au contraire.
La vraie réforme devra se produire aussi dans les esprits. Sans doute faudra-t-il à cet égard quelques années avant que les décideurs du Cac 40 ne recrutent autrement qu'en feuilletant l'annuaire des anciens. Mais à y bien regarder cette révolution-là a peut-être déjà commencé. Ca et là dans les organigrammes des groupes français fleurissent des profils exogènes, voire franchement exotiques, comme les diplômés d'histoire ou de philosophie. Il est temps d'accélérer le changement esquissé.
Alain Lemasson, ancien Vice Président de CNH Capital Europe
Voir ici l'article dans Les Echos
HOME Autre article: Le modèle américain
Quelques-uns parmi la centaine deco mmentaires adressés au journal............
jerrynyfr66 [30/10/2008 18:30] dit :
@ crcannes,
vous écrivez:
"Arrêtons de vouloir détruire notre bel enseignement. Nous étions les meilleurs nous sommes les derniers."
C'est vrai ça...
Mon ordinateur est américain, ma calculatrice japonaise, la machine-outil, sur laquelle je travaille, italienne, ma TV, mon appareil-photo, mon portable, chinois, taiwanais....
Trois choses sont typiquement françaises, chez moi: le saucisson, le fromage, le vin. Pas besoin de GE dans ce type de produits....
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dave [30/10/2008 20:33] dit :
Trop, encore trop et pas assez de résultats.
Le France compte trop, beaucoup trop d'étudiants et de haut diplomés. Ouvrir l'entrée des grandes écoles est un devoir. Limiter le nombre des étudiants une obligation.
Trop d'enseignants mal formés, pas assez au volant de la machine.
Manque de praticiens de terrain, femmes et hommes de l'art pour transmettre ce qui ce fait, ce pratique sur le terrain est devenu la priorité.
Un pays ne peut vivre qu'avec des diplômes et des théories. Il lui faut aussi de la création, des Maîtres d'art ou artisans au tour de main valeur la plus évidente pour un pays, son économie et son rayonnement. Les mots sont souvent vides de sens car détournés des réalités comme nos effectifs d'étudiants et d'enseignants pléthoriques et envahissants...avec de maigres résultats en rapport à l'enseignement d'hier. Lucien David LANGMAN Expert Technico-Juridique
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miaou [30/10/2008 21:27] dit :
Jerrynyfr66 écrit : "Et se loger et se nourrir, celà revient à combien?"
Autant, étudiant ou pas. Le sujet n'est pas le coût de la vie.
Jerrynyfr66 écrit : "Et rentrer le WE chez les parents par les transports, ou alors la lessive( sur place), les fournitures, la mutuelle étudiante....? J'ai dit que le WE était du luxe. Je ne vais pas vous raconter histoires personnelles et familiales.
Jerrynyfr66 écrit : "Et quand on a deux, voire trois enfants qui veulent étudier?"
[On a plus de chance que mon père !!! [en rouge et en gras]]
Le sujet de ce fil n'est pas le statut social de l'étudiant en France.
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Didier59 [31/10/2008 01:36] dit :
(1ère partie) A l'intention de certains commentateurs, je confirme que les grandes écoles d'ingénieurs sont en nombre limité et, par ordre de difficulté à entrer : ENS ULM - X - MINES de PARIS - ENPC - CENTRALE PARIS- . Les autres écoles sont d'un niveau d'accès moins difficile mais formant néanmoins des ingénieurs de qualité davantage spécialisés dans un domaine. Ce que je peux dire aussi qui fait que POLYTECHNIQUE est une très grande école à part est son régime d'internat obligatoire et l'aspect militaire durant les 9 premiers mois de la scolarité. J'ai compris le mot "solidarité entre les X" le jour du départ de l'école de la promotion : il était évident que les 400 élèves français et les 100 étrangers avaient partagé 3 ans de leur vie en commun. Même s'il y avait eu compétition pour le classement de sortie, l'émotion était visible et non feinte. Ils ont éprouvé beaucoup de difficulté à se séparer. Ceci pouvant expliquer ensuite l'esprit de caste pour les embauches.
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Didier59 [31/10/2008 01:50] dit :
(2ème partie) - Je n'ai pas fait partie de l'élite bien qu'en débutant comme simple employé de banque avec un BEPC des années 60 comme seul bagage, je suis parvenu après quelques années à devenir cadre et terminer ma carrière comme acdre moyen. Mon fils a réussi par lui-même son parcours scolaire (son plus mauvais classement a été d'être 2ème de classe). Il a réussi à intégrer l'X après un concours écrit difficile et après un oral de même et qui, en nombre de points, est plus important que l'écrit. (il ne suffit donc pas d'apprendre bêtement comme certains le pensent). Pourquoi pas d'élargir les portes d'entrée aux GE (voir le programme Une grande école pourquoi pas moi avec l'ESSEC, X et HEC) mais il ne faudrait en aucun cas abaisser le niveau des concours. La différence d'intégration entre Fac et GE est justement le manque de sélection à l'entrée des facs. Il vaudrait mieux orienter les entrées en fac avec un examen et/ou un entretien sérieux avec des profs et diminuer les échecs.
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bleueciel [31/10/2008 10:27] dit :
@stb007 [30/10/2008 14:53] a écrit: "N'oubliez pas que la plupart des plus grandes réussites sont le fait d'autodidactes". La plupart? Pouvez-vous les citer? S'il est vrai que des autodidactes peuvent réussir, il est vrai que certains ont du talent pour pomper les diplômés. Ils sont aussi très stimulés par l'idée de les dépasser, alors que les diplômés, qui ont déjà fait leurs preuves, ont souvent d'autres objectifs dans leur vie professionnelle que d'être les premiers.
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miaou [31/10/2008 11:06] dit :
Bleueciel écrit : "S'il est vrai que des autodidactes peuvent réussir, il est vrai que certains ont du talent pour pomper les diplômés. Ils sont aussi très stimulés par l'idée de les dépasser, alors que les diplômés, qui ont déjà fait leurs preuves, ont souvent d'autres objectifs dans leur vie professionnelle que d'être les premiers."
Les autodidactes, quelles que soient leurs motivations, sont aussi portés à prendre plus de risques, ce qui peut amener d'autant plus d'atteintes d'objectifs.
Concernant le fait de "pomper", là où il y a beaucoup d'ingénieurs, des pompeurs on en trouve ! Comme cela facilite le "diviser pour régner" de la direction, la direction s'en fiche. Lorsqu'un stakanoviste du pompage est bon sur le plan relationnel, la direction applique le "principe de Dilbert" : elle le nomme chef.
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canope [31/10/2008 11:31] dit :
miaou : " Lorsqu'un stakanoviste du pompage est bon sur le plan relationnel, la direction applique le "principe de Dilbert" : elle le nomme chef." Non, c'est le principe de PETER qui énonce que "Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence."
Dilbert nomme les incompétents là où ils risquent le moins de causer des dégâts, c'est aussi selon Dilbert l'encadrement. Principe dont nous venons de voir les conséquences dans la finance.
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miaou [31/10/2008 13:30] dit :
Canope écrit : "Non, c'est le principe de PETER qui énonce que "Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence."
Il s'agit bien du principe de Dilbert : nommer un ingénieur incompétent chef !!!
(C'est facilité par les mouvements de personnel : pré-retraites, etc...)
Canope écrit : "Principe dont nous venons de voir les conséquences dans la finance."
Oui, mais la finance ne fait pas exception.
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bleueciel [31/10/2008 13:37] dit :
Très intéressant le principe de Dilbert, (version Canope), je ne connaissais pas mais je m'en étais aperçue depuis bien longtemps. Moi qui ai l'esprit très logique, je me demandais depuis bien longtemps si c'était moi qui perdais la tête. Vous me rassurez.
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miaou [31/10/2008 13:49] dit :
@ Bleueciel
Précisons que Canope fait référence au 1er principe de Peter. Il y en a un second qui dit que toute personne qui devient indispensable est coincée dans son rôle et ne gravit plus les échelons. Peter ajoute qu'il existe une barrière sociale (grosso modo, non-cadre / cadre) qui fait qu'il y a suffisamment de personnes maintenues à un poste où elles sont compétentes pour que l'entreprise tourne. Peter c'est l'entreprise années 70, Dilbert c'est années 90. En fait, le principe de Dilbert est le cas limite du principe de Peter : les échelons intermédiaires sont supprimés. On peut au passage noter que les catégories d'ingénieur habituelles (position I, position II, ... IIIA, ... IIIB, ... IIIC) tendent à évoluer par des fusions de ces catégories, renommées au passage.
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canope [31/10/2008 13:56] dit :
miaou : il y a une différence entre la caisse d'épargne qui est un exemple de l'ascenseur type PETER, et le recrutement par l'entreprise d'un jeune sorti d'une grande école qui est recruté comme cadre là c'est Dilbert. Je vous concède que les deux principes sont très proches mais rendons à Peter ce qui lui appartient.
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miaou [31/10/2008 14:03] dit :
Canope écrit : "Je vous concède que les deux principes sont très proches mais rendons à Peter ce qui lui appartient." Le fait que les structures hiérarchiques soient moins arborescentes et plus matricielles empêche de rendre à Peter ce qui lui appartient :-))
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crcannes [31/10/2008 15:07] dit :
Le débat sur les GE s'épuise vous perdez votre temps à disserter sur la nomination des chefs. C'est en fait le comportement typiquement français, on débat sur un mot, une idée, pour savoir qui aura le dernier mot et pendant ce temps la caravane passe..........
Nos entreprises on besoin de concret, de talent, d'energie et d'encadrement, peu importe d'où ça vient. Il est urgent de stopper les querelles de clocher, je vous assure qu'un haut diplôme peu faire du très bon boulot avec un ouvrier de bas niveau. C'est juste une question d'intelligence sociale et de savoir être pour les deux.