Orienter les diplômés vers les PME
Publié le 21/03/2013 par Le Cercle-Les Echos sous le titre "Orienter les diplômés vers les PME"
On peut se demander d'où vient cette facilité américaine à générer et faire croître des dizaines d'entreprises innovatrices. Et a contrario pourquoi notre pays, qui en crée si peu, peine tant à conserver celles qui existent. La possible inadaptation du système éducatif français aux besoins de l’économie n'explique sans doute pas tout. Les Bill Gates, Steve Jobs et autres fondateurs ne sont pas tous, loin de là, les purs produits d’Universités ou d’Ecoles prestigieuses.
La fertilité du vivier américain parait relever d'une combinaison d'éléments culturels sans équivalent ailleurs, et notamment le rapport à l'argent et au diplôme. Le rapport à l'argent des Américains est clair, explicite et partagé. L'argent est la mesure du succès. Il n'y a pas de honte à le dire, mais un devoir moral à utiliser ce qui a été gagné pour le bien de la société. Quant au diplôme, il n'est pas sacralisé comme en France. C'est un moyen plus qu'un objectif en soi. Même s’il reste un must pour l'accès à certaines professions, dans le droit ou le conseil par exemple. Mais l'Amérique n'est pas faite que de law firms et de cabinets de conseil. Dans ce pays, le diplôme est parfois nécessaire, jamais suffisant.
Les choses sont ici bien différentes. L'argent, présent dans tous les esprits, demeure un tabou. Beaucoup y pensent, il est inconvenant d'en parler. Quant au diplôme, il règne en maître dans les esprits comme dans l'organisation sociale. La réussite de quelques autodidactes ne change rien à cela. Pour beaucoup, le diplôme est « le » marqueur de réussite sociale. Pour trouver un emploi, il est toujours nécessaire, et parfois suffisant. Comment s'étonner que ce diplôme-talisman anesthésie l'énergie créatrice de ceux qui à vingt ans disposent d'une rente sociale à vie… et décourage les autres ?
Car il y a pire, une sorte d'effet plafond de verre du diplôme. Pour les non-diplômés en effet, combien de portes fermées, de promotions différées, d'ambitions étouffées tout au long de leur vie professionnelle! Combien auront le courage de rebondir, de créer ? Il faut se représenter le potentiel perdu de ces milliers d'énergies bridées et que nous devons penser à libérer.
Deux transformations radicales ont été esquissées en France, qu'il convient d'amplifier pour changer la donne. L’une concerne l'ouverture des portes des Grandes Ecoles et des Universités, et son corollaire, le brassage des spécialités comme des élèves. Sciences Po, Erasmus et les pôles universitaires en sont les marqueurs les plus visibles. L’autre concerne l'apprentissage, déjà ancré dans le cursus des Grandes Ecoles.
Notre pays n’a pas besoin que de hauts fonctionnaires ou de patrons du CAC40. L'inclusion des PME dans les cibles de ces futurs apprentis pourrait orienter en quelques années un flux énorme de talents vers ce secteur. C'est incidemment ce que font depuis belle lurette nos voisins allemands, avec le succès que l'on sait. Valoriser les petites structures, ou plutôt cesser de les négliger, serait un grand pas pour libérer le potentiel créatif des jeunes Français.
Alain Lemasson
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