Le Président chinois en France
A quoi pouvait bien penser le leader chinois alors que se jouait devant lui à Cannes, en temps réel, un épisode inédit de la démocratie européenne ? Le représentant de Pékin connaît sans doute quelque peu l'histoire de l'émancipation des peuples en Europe, mais ce qu'il a vu et entendu aura probablement nourri en lui de profondes réflexions.
Qu'il ait été complètement surpris, tout d'abord, est loin d'être acquis. Le facteur grain de sable, par exemple, lui est bien-sûr familier. Il savait depuis longtemps déjà qu'il n'y a pas de rapport direct entre la taille d'un Etat et sa capacité de nuisance. La Grèce lui aura sans doute rappelé le Tibet.
En revanche, la mise en scène du débat démocratique l'aura certainement interpellé. Et fait réfléchir au rapport coût-efficacité de cette manière européenne de rendre public ce qui ne l'est pas dans le système chinois. La démocratie autorise les manifestations et le désordre. Mais un désordre provisoire, car le lendemain des manifestations ou des grèves, tout le monde est au travail. L'avantage le plus net de cette manière de faire est le faible coût des moyens de contrôle. Il apparaît à Monsieur Hu que la surveillance minutieuse des opinions déviantes n'est plus nécessaire en Europe puisqu'elles sont connues. En Chine, en revanche, l'absolutisme éclairé du Bureau politique chinois impose le lourd appareil des services secrets. Oui internet nous échappe, pense-t-il, mais devons contrôler la presse, les comités de quartier, les mairies, les administrations, tout. Et courir partout pour éteindre les incendies sociaux.
Outre son coût, l'inconvénient majeur de cet appareil d'espionnage et de répression est qu'il représente un facteur d'insécurité personnelle qui n'épargne personne. Pas même les dirigeants. A tout moment en effet il peut se retourner contre l'un d'entre eux. Lui-même, peut-être.
A ce point de sa rêverie, le buzz discret de son téléphone portable alerte Monsieur Hu Jintao. Un SMS crypté lui apprend que la TV chinoise passe en boucle le témoignage accablant de l'une de ses anciennes maîtresses. Mr Hu se réveille en sursaut, retrouve instantanément sa posture. Ce n'était qu'un rêve, mais la sonnerie de son portable était bien réelle. Il appuie sur la touche de décryptage: "Attentat ouighour, 25 morts".
Autre article sur la Chine: Chinese dream