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Le cas Sciences Po

 

Publié le 31/01/2013 par Les Echos sous le titre " Sciences Po, la tentation du gâchis"

  

L'affaire Sciences Po, ou du moins ce qui en a filtré, fait irrésistiblement penser à une étude de cas de Harvard ou de l'INSEAD. Le cas, élément de base de la pédagogie de ces institutions, expose en effet une problématique d'entreprise à partir d'informations présentées en vrac autorisant plusieurs  interprétations de la part des étudiants. Ce n'est qu'après une discussion de groupe menée par un professeur habile et surtout mieux informé qu'apparait "la" solution.

 

La puissance publique française, en l'occurrence le Ministère de l'Education nationale, a voulu la reprise en mains de Sciences Po. A partir de quel diagnostic ? Que s’est-il réellement passé qui justifiait cette médiatisation tapageuse et le risque de détruire l’attractivité internationale d’une institution hissée en quelques années  au rang des meilleures ? Car c’est bien là le danger, que des professeurs et des étudiants de qualité recrutés sur le marché mondial se détournent à l’avenir d’une institution désormais soumise à la gestion publique.

 

Les éléments du « cas Sciences Po » sont issus du rapport de la Cour des Comptes, de déclarations gouvernementales et de faits parfois divers dont les médias ont fait l’écho. C'est ainsi que sont apparues des accusations de mauvaise gestion financière et de violation des règles visant l’ancienne direction de l’Ecole et la Fondation qui la chapeaute. Le salaire du directeur, les avantages matériels des enseignants, la prime du Président de la Fondation, pourtant bien modestes à l’aune des pratiques internationales, ont été mis en cause. On a découvert avec perplexité la coresponsabilité objective de l’Etat dans les faits dénoncés, puisque celui-ci, principal bailleur de fonds,  était représenté dans la gouvernance de l’institution.

 

En l’absence de l’exposé de la solution du cas, force est de s’en remettre à une interprétation possible des événements. Le point central de cette affaire était peut-être bien la frustration, l'immense frustration des hauts fonctionnaires de l'Education Nationale impliqués dans l'interface avec Sciences Po. Marginalisés, humiliés sans doute, ils ont vu s'échapper le contrôle de l'établissement dont ils avaient la charge. On ne s'oppose pas facilement à la volonté de celui qui a fait de la BNP l'un des tous premiers établissements d'Europe.

 

En filigrane  des éléments juridiques ou financiers avancés par l’accusation se profile un cas authentique d’Organizational Behavior,  la Psycho-Sociologie des Organisations, l’une des matières-phares des programmes MBA. L'Education Nationale n'a sans doute pas voulu ou su reconnaitre à temps la dimension psycho-sociologique du problème. Elle a cédé trop vite  et sans modération à l’exaspération de quelques uns.

 

Souhaitons que la réputation de Sciences Po n'ait pas à souffrir de ces turbulences et que de Pékin à Chicago étudiants et professeurs étrangers continuent de prononcer le nom de l’Ecole avec envie et respect. Il appartient au Ministère de faire preuve de réalisme dans ce domaine. La gestion de la PME Sciences Po demande certainement autant de doigté, sinon plus, que l'administration de la plus grande entreprise européenne qu’est l’Education Nationale.

 

Alain Lemasson

Ancien élève de l’INSEAD



17/01/2013
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