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la finance expliquée à mes enfants

 

 

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Projet de couverture et de titre

 

   

Ce qui suit est un extrait du livre Dis papa, explique-nous la finance. Le livre complet paraîtra début 2024 (couverture et titre définitifs à décider).

 

 

 

Chapitre 1 – Dis papa, la bourse, au juste, à quoi ça sert?

 

Chapitre 2 - La bourse et les marchés, c'est pareil?

 

Chapitre 3 – Et qui contrôle la bourse?

 

Chapitre 4 – On dit que la bourse n’est pas dans l’économie réelle    

 

Chapitre 5 - Financiarisation, capitalisme financier, ça fait peur, non?

 

Chapitre 6 – Papa, explique-nous la banque 

 

Chapitre 7 – Et pourquoi les banques sont tellement détestées?

 

 

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Chapitres suivants

 

Chapitre 8  – D’après un copain, les banques ne prêtent pas aux startups 

Chapitre 9  – C’est vrai que la BCE inonde les marchés ?  

Chapitre 10 – Wall Street, titrisation, ça parait tellement compliqué !  

Chapitre 11 – Dis papa, le shadow banking, ce sont des banques cachées ? 

Chapitre 12 – Et une bulle financière, qu’est-ce que c’est ?  

Chapitre 13 – Les subprimes ont ruiné des malheureux !  

Chapitre 14 - Papa, le travail du directeur financier c’est quoi exactement ? 

Chapitre 15 – D’après nos copains, la comptabilité c’est très ennuyeux  

Chapitre 16 – Papa, les taux négatifs, on n’y comprend rien  

Chapitre 17 – C’est vrai qu’avant l’euro, le franc c’était mieux ?  

Chapitre 18 – C’est vrai aussi cette histoire de la dette des petits-enfants 

Chapitre 19 - Papa, pourquoi n’y a-t-il pas de GAFA en Europe ?  

Chapitre 21 – Mais papa, les dividendes, c’est moche, non?  

Chapitre 22 – La finance, c’est vraiment utile à l’économie ?   

Chapitre 23 – Mon amie la finance ? Papa, tu exagères !  

Conclusion – Les mots de la fin  

  

Voir les chroniques de l'auteur (Les Échos - Capital)

 

 

 

 

 

 

 

 
 

 Chapitre 1 - DIS-PAPA, LA BOURSE, AU JUSTE, A QUOI ÇA SERT ?

 

Vous voulez commencer par la bourse ? Pourquoi pas. Eh bien la bourse c’est très simple, c’est une invention qui permet aux entreprises d'obtenir de l’argent … sans être obligées de rembourser.

 

Oui, vous avez bien entendu ! Sans obligation de rembourser. C’est un aspect des choses dont on ne parle que rarement. Les médias nous donnent une image complètement différente.

 

Vous avez vu comme moi, dans les films ou à la télé, quand on parle de la bourse, on voit des gens très agités, qui regardent des écrans emplis de chiffres et qui courent à droite et à gauche. On parle des traders qui gagnent des fortunes et font couler les banques. C’est spectaculaire mais effectivement, on n’y comprend rien.

 

Et chaque jour, dans les news, on apprend que la bourse a monté, ou qu’elle a baissé. Telle action a monté de façon spectaculaire ou s’est écroulée. Et ça ne s’arrête jamais, d’un côté à l’autre de la planète. Il y a même des ordinateurs qui vont tout seuls en bourse. Et on se demande pourquoi il y a des hausses et des baisses.

 

Chaque jour, les commentateurs trouvent des explications. La politique ceci, le pétrole cela, les investisseurs ceci, la technologie cela.

 

Mais papa, explique-nous ce mystère de l’entreprise qui ne rembourse jamais.

 

J’y viens. Pour bien comprendre la bourse, il faut commencer par le commencement. Il faut regarder un moment très précis de la vie d’une action, sa création, sa naissance. C’est le point de départ et vous allez voir comme c’est malin.

 

Je parle de naissance, parce que c’est exactement ça. Un beau matin, une entreprise décide d’entrer en bourse. Elle le fait car elle a besoin d’argent, mais ne veut pas ou ne peut pas passer par sa banque, pour des raisons X ou Y que je vous expliquerai plus tard. La raison la plus simple étant souvent d’ailleurs que la banque ne veut plus prêter car elle a atteint ses limites.

 

Concrètement, l’entreprise fait imprimer des actions à son nom et les propose en bourse. Bien-sûr c’est préparé. Il y a eu des annonces, de la publicité, des calculs savants pour fixer le prix des actions. 

 

Le jour J, n’importe qui peut acheter une ou plusieurs actions. Tout à l’heure, je vous montrerai comment faire, c’est très simple. Les gens qui achètent pensent que l’entreprise en question va bien travailler et que dans quelque temps ces actions vont prendre de la valeur. Et alors, en les revendant, ils pourront faire un bénéfice. Ils espèrent aussi recevoir des dividendes.

 

Le plus intéressant, c’est ce qui se passe du côté de l’entreprise. Pour elle, c’est très simple, l’argent qu’elle reçoit en échange des actions qu’elle a fait imprimer, elle le garde pour elle. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, elle ne le remboursera jamais. Pour être plus précis, elle n’a aucune obligation de rembourser, ce qui revient au même !

 

C’est miraculeux, vous ne trouvez pas ? Vous empruntez de l’argent sans obligation de rembourser.

 

Vous allez me dire, mais alors pourquoi les gens achètent des actions s’ils ne sont jamais remboursés ? Et pourquoi toutes les entreprises ne vont pas en bourse si c’est tellement miraculeux ?

 

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Oui justement ! 

 

Alors parlons des acheteurs d’actions. Les acheteurs d’actions ne sont pas remboursés par l’entreprise, mais ils savent qu’ils peuvent revendre leurs actions dès le lendemain s’ils le souhaitent, et donc récupérer leur mise. Avec bien sûr l’espoir de faire un bénéfice, comme je vous l’ai dit. 

 

Il est même arrivé que des acheteurs d’actions les revendent le jour même ! Pourquoi ? Parce que le cours avait monté en quelques heures. Le cas le plus spectaculaire est celui d’AliBaba, la société chinoise qui concurrence Amazon.

  

Tu dis qu’ils peuvent revendre très vite leurs actions, mais que se passe-t-il s’il n’y a personne pour les racheter ?

 

Il y a toujours quelqu’un parce qu’il y a un grand nombre d’intervenants en bourse. Il y a toujours un acheteur, c’est une affaire de prix.

 

Vous réalisez à quel point cette invention est géniale ? Oui, en fait vous pensez que c’est trop beau pour être vrai. Qu’il y a un loup.

 

Il n’y a pas de loup. Mais j’y pense, si vous voulez impressionner vos copains, vous leur parlerez d’IPO. Prononcez en français A-i-Pi-O, et vous avez le son anglais. IPO est l’abréviation de Initial Public Offering, mot-à-mot, offre publique initiale. En français, le terme technique est « Introduction en bourse ».

 

Papa, on n’en est pas là ! Mais la question que tu as posée toi-même, pourquoi toutes les entreprises ne vont pas en bourse ? Et puis, tout ça se passe sans contrôle ? Il n’y a pas des fraudes, des abus ?

 

Mais tu penses à quelles sortes de fraudes ou d’abus ?

 

Je ne sais pas moi. Les entreprises sont prêtes à tout pour aller en bourse, pour faire des IPO, comme tu dis. Emprunter de l’argent sans rembourser, c’est le jackpot. Et puis il y a peut-être des escrocs qui font imprimer des fausses actions et les revendent. 

 

Imprimer des fausses actions, ça ne s’est jamais vu, d’autant moins que les actions « papier » n’existent plus.

 

La bourse est devenue incontournable pour tout le monde. 

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 Pour les entreprises qui ont besoin d’argent et pour les épargnants qui veulent faire des placements. C’est donc l’intérêt de tous que les choses se passent bien. 

 

Imaginer qu’une entreprise mentirait sur sa vraie valeur pour obtenir plus d’argent qu’elle n’en vaut est inconcevable. Il y a trop d’intervenants, un ou plusieurs cabinets comptables,  une ou plusieurs banques-conseils. Une fraude ruinerait la réputation des uns et des autres, et l’entreprise serait à jamais traitée comme une pestiférée.

 

Et contrairement à ce qui est dit sur les marchés débridés et l’absence de régulation, la bourse est très contrôlée. Mais on va s’arrêter un moment. Je voudrais vous montrer comme il est simple d’acheter ou de vendre des actions sur internet….  

 

Tu veux dire maintenant, là, tout de suite ? 

 

Oui, tout de suite, regardez bien l’écran. Voilà je vais sur le site de ma banque et je clique sur portefeuille. Vous voyez j’ai quelques actions, surtout sur les marchés américains, que je suis en train de tester. 

 

Alors dites-moi le nom d’une entreprise, la première qui vous vient à l’esprit… 

 

Apple ! 

 

Ok. Voyons quelle heure il est, oui le nasdaq est ouvert. 

 

Le nasdaq ? 

 

C’est le nom du marché des valeurs technologiques, un marché purement électronique. L’autre marché américain s’appelle le NYSE, ce qui veut dire New York Stock Exchange, le marché historique. Remarquez au passage qu’action, en anglais se dit stock. 

 

Je clique sur acheter et voilà. Vous voyez ce chiffre qui bouge sans arrêt, c’est le cours d’Apple. Et on peut voir comment il a évolué, ce qu’il valait il y a une heure, un jour, un an. Combien ont été vendues, à quel prix… Regardez, plusieurs millions d’actions ont déjà changé de propriétaires. Ces informations sont à la disposition de tout le monde. C’est dingue non. 

 

Je vais en acheter une, pour vous montrer. Le site me propose le prix du marché ou un cours limite. Je clique marché et c’est fait je viens d’acheter une action Apple au prix de 140$. Bien sûr je dois payer des frais. Dans une heure ou deux on regardera si on a gagné ou perdu. 

 

Vous avez vu comme c’est simple… vive internet ! 

 

Ok Papa, mais en quoi le fait d’acheter une action change les choses pour Apple ? 

 

Aujourd’hui, à l’instant où je vous parle, rien n’a changé pour Apple, que j’achète une ou mille actions. Il n’y a eu qu’un changement de propriétaire des actions. Mais ce qui compte pour Apple, c’est l’évolution du cours, qui dépend de nombreux facteurs. 

 

Vous allez voir ! Nous sommes pile dans le cœur de la bourse, dans son intérêt pour les entreprises et pour l’économie. 

 

Pour l’entreprise, je vous l’ai dit, il y a un moment important, c’est celui de la première émission d’actions, un événement qui ne se produit pas tous les jours. Si tout va bien, si le prix parait acceptable, si les perspectives économiques de l’entreprise sont bonnes, et si son management parait sérieux, les investisseurs vont acheter les actions mises en vente. Une fois cette IPO réalisée, l’entreprise a en caisse les millions ou les milliards d’euros qui sont le fruit de la vente des actions. 

 

A partir de là, le cours de l’action évolue. Ce cours va monter si de nouveaux acheteurs ont envie d’acheter des actions. Pour ça il faut que les détenteurs d’actions acceptent de vendre. S’il y a plus d’intentions d’achat que d’intentions de vente, le cours monte. Il monte jusqu’au moment où ceux qui ont déjà des actions pensent que leur gain est suffisant, et vendent. 

 

Pendant ce temps, rien ne change pour l’entreprise qui a émis les actions. Que le cours monte ou baisse, sa situation financière ne change pas dans l’immédiat … et à condition que les écarts de cours ne soient pas trop importants. 

 

Si le cours se met à flamber, les choses peuvent changer. Tesla a connu une hausse phénoménale de son cours sur les six premiers mois de 2020, un cours multiplié par quatre ! Cette situation a conduit l’entreprise à faire une nouvelle émission d’actions avec le nouveau prix, qui lui a rapporté cinq milliards de $. 

 

Cinq milliards de $, une somme colossale qui a été immédiatement utilisée pour construire une énorme usine de batteries en Allemagne, et recruter du personnel. Cinq milliards de $, c’est très peu par rapport à la valeur de l’entreprise en bourse, plus de mille milliards de $ à l’époque, donc ça n’a pas créé un changement sensible dans la répartition du capital. 

 

Et pour les actionnaires, anciens et nouveaux, le projet était attractif car ils savaient que cet apport de fonds dans l’entreprise lui permettrait d’être encore plus rentable. Et donc que les perspectives de croissance du cours en bourse étaient excellentes. 

 

Un jeu gagnant-gagnant, comme vous voyez.  

 

Papa, tu nous donnes le tournis ! 

 

Ok, revenons sur terre, et regardons les choses avec lucidité. Je vous ai décrit un système qui transforme l’esprit de spéculation des uns en richesse positive pour les entreprises. Imaginez-vous ce que ça veut dire pour l’économie. Des entreprises peuvent investir, se développer, recruter sans être limitées par leurs propres ressources, sans supplier les banques de leur faire crédit et sans demander l’aide de l’État. 

 

Ça mérite quand même que l’on s’intéresse au sujet, vous ne trouvez pas ? 

 

D’accord papa, mais il y a des gens qui perdent parce que les cours baissent 

 

Oui, mais ceux qui perdent connaissaient la règle du jeu, et ils savent qu’ils peuvent regagner ensuite ce qu’ils ont perdu. Ils savent aussi que tant qu’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu. Ça s’appelle vivre avec le risque. 

 

Voilà un premier aperçu de cette invention-miracle qu’est la bourse ! Pensez-y, parlez-en autour de vous, c’est la meilleure manière de fixer les choses dans votre mémoire. 

 

Bon, on comprend un peu, mais la bourse c’est pour les riches, non ? 

 

Oui c’est ce que tout le monde à l’air de croire. Tout le monde en France, je précise. Les Français préfèrent les placements pépères à un taux d’intérêt de 2 ou 3 pour cent, question de culture. Aux US et au Canada, tout le monde va en bourse, les riches et les pauvres. 

 

Vous faites de grands yeux, je vous explique. 

 

Aux US et au Canada, les gens n’ont pas tous les jours le nez collé devant des écrans à passer des ordres, à acheter ou à vendre. La majorité des citoyens place une partie de ses revenus dans un portefeuille d’actions qui est géré par des professionnels … 

 

Les fonds de retraites ! 

 

Bingo ! Bravo tu as deviné. Il y a les fonds de pension, qui sont une catégorie de ce qu’on appelle les fonds d’investissement.

  

Les retraites aux US sont gérées par des fonds de pension. Ces fonds de pension récoltent cette épargne et achètent des actions.  A court terme, les actions montent et baissent. Mais à partir d’une durée de 10 ans, globalement, les actions prennent toutes de la valeur car l’économie progresse. Il faut savoir qu’en moyenne, le prix des actions double tous les dix ans.

 

Les fonds de pension revendent une partie des actions achetées 10 ans auparavant pour payer les retraités. Ils ont aussi du cash, car beaucoup d’entreprises paient des dividendes. Un autre sujet brûlant dont je vous parlerai. 

 

Le système est très différent en France, où on parle de répartition. Répartition ça veut dire que les cotisations de ceux qui travaillent paient les retraités. Et quand il y a un déficit, c’est l’État qui paie ! Aux US, le problème ne s’est jamais posé comme ça. Il y a eu des faillites de Fonds de Pension, et là c’est terrible, les retraités ne touchent plus rien. La solution, c’est que les salariés répartissent leur épargne dans plusieurs fonds de pension… 

 

Je pense que pour les retraites, on y viendra en France mais il faudra du temps. En attendant, le mouvement a commencé. C’est assez amusant de voir comment on présente les choses à ceux qui veulent placer par exemple un héritage ou le produit de la vente d’une maison. « Ah monsieur, ah madame, nous vous proposons un placement très rentable et pas trop risqué ». Voilà le mot est lâché. Le risque. 

 

Dès qu’un banquier, enfin, disons un conseiller de clientèle parle de placement à risque, ça veut dire, achat d’actions pour une partie. Le mot bourse n’est pas prononcé, pour ne pas faire fuir le client… Ah ces banquiers ! 

 

Mais pourquoi me regardez-vous avec perplexité ?... Vous vous dîtes, c’est trop beau pour être vrai. Je vous comprends un peu, mais patience, on aura l’occasion d’en reparler. Ah mais bien-sûr, c’est parce votre papa ici présent a lui-même a été banquier …

 

  

 

 

 

   

Chapitre 2 - LA BOURSE ET LES MARCHÉS, C’EST PAREIL ? 

 

Papa, tu nous as parlé des actions et de la bourse, mais à peine des obligations. En fait, on mélange un peu. Tu peux nous expliquer la différence entre les actions et les obligations ? 

 

Oui bien-sûr. Commençons par les actions. Rappelez-vous du miracle de la bourse ! L’entreprise qui émet des actions n’est jamais tenue de rembourser l’argent qu’elle reçoit. En revanche, l’acheteur, lui, peut changer d’avis, et revendre ses actions à tout moment, et récupérer sa mise.

 

Et de même pour l’acheteur suivant. Bien-sûr le prix fluctue, en hausse ou en baisse, mais la bourse garantit qu’une transaction sera toujours possible. Il y aura toujours un acheteur ou un vendeur de cette action. C’est une affaire de prix.

  

La philosophie des obligations est un peu différente. Au départ, une obligation, comme une action, est un titre émis par une entreprise (ou un État) et vendu à un investisseur. Ce titre comporte le nom de l’émetteur, le montant, la durée et le taux d’intérêt. La différence majeure par rapport à l’action est que l’émetteur de l’obligation doit la rembourser à une date précise, celle qui est inscrite sur le titre.

 

De même, le taux d’intérêt est fixe et détermine le montant du coupon payé régulièrement. 

 

Au passage, il faut savoir qu’autrefois, les actions et les obligations étaient imprimées sur un support papier. De nos jours, tout est bien-sûr digitalisé. 

 

Mais revenons à la philosophie, à la raison d’être des obligations. Pourquoi a-t-on inventé les obligations ? 

 

C’est aussi malin ou presque que les actions. Vous allez voir. 

 

En fait, une obligation, c’est une autre manière de faire du crédit, une manière de prêter de l’argent incroyablement souple pour le prêteur. On peut faire le parallèle avec l’investisseur qui achète une action. Dans les deux cas, celui qui prête ou celui qui investit peut changer d’avis dans la minute et récupérer son argent. 

 

Prêter de l’argent par l’achat d’une obligation est beaucoup plus souple qu’un crédit. Un crédit fait plusieurs pages, il doit être contrôlé par des juristes, et il est nominatif.

  

Tu veux dire qu’une obligation d’une demi-page avec vingt mots est juridiquement aussi sûre qu’un contrat de crédit de cinquante pages !?

  

Ah, je reconnais bien le réflexe de la juriste. La réponse est oui. Si tu regardes la jurisprudence, il n’y a pas beaucoup de cas d’invalidation d’une obligation. Tandis que les crédits cross border, par exemple, sont souvent des casse-têtes en cas de litige car ils touchent à deux juridictions, celle du prêteur et celle de l’emprunteur.

 

Mais je voudrais vous expliquer la raison d’être principale des obligations qui est leur capacité de circulation. Le changement de prêteur est très facile avec une obligation.

 

Mais pourquoi faut-il changer de prêteur ?

 

Je vais vous donner un exemple. Imaginez quelqu’un qui a un jour une grosse rentrée d’argent, l’héritage d’une tante éloignée, ou la vente d’un bien. Ce quelqu’un n’a pas le besoin immédiat de cet argent et ça tombe bien parce qu’au même moment un ami lui demande de lui prêter la même somme.

 

Les deux amis signent donc un contrat de crédit stipulant par exemple que l’emprunteur doit rembourser au prêteur l’intégralité du prêt dans cinq ans. Et chaque année, il paiera aussi des intérêts.

 

Tout se passe bien les deux premières années, l’emprunteur s’acquitte ponctuellement des intérêts convenus. Mais la troisième année, patatras, le prêteur a bousillé sa voiture et a donc besoin d’en acheter une autre.

 

Impossible pour lui, moralement, de demander à son ami le remboursement anticipé du prêt. D’ailleurs il n’en aurait pas les moyens. Le prêteur est donc coincé et obligé d’aller à la banque demander un crédit.

 

Le problème du crédit, crédit personnel ou crédit bancaire, est qu’il est nominatif. Dans un contrat de crédit, l’emprunteur et le prêteur sont nommés.

 

La solution du problème initial aurait été très simple si au lieu de faire un crédit, l’emprunteur avez remis un titre au prêteur. Une sorte de reconnaissance de dette signée par lui, mais ne faisant pas mention du nom du prêteur.

 

Sans rien dire à son ami ou en le disant, le prêteur aurait cherché un autre prêteur auquel il aurait revendu son titre. On ne parle d’obligations que pour les titres qui sont cotés sur le marché.

 

Papa, on voit à peu près les obligations, mais explique-nous les marchés. Pourquoi ont-ils tant d’importance. Et concrètement, un marché qu’est-ce que c’est ? Il y a effectivement des acheteurs et des vendeurs qui discutent ? Et ces cours bougent tellement, sans cesse, ça a quand même un côté mystérieux !

 

Ah mes enfants, voilà une question qui tombe bien ! Demain, c’est jour de marché sur la place. On ira tous ensemble, ta sœur, toi et moi. Vous verrez par vous-même ce qu’est un marché.

 

Mais, Papa, ce n’est pas la question ! Je ne parle pas de ce marché là. On voudrait que tu nous expliques les vrais marchés, ceux dont on parle partout. Les marchés de la finance, quoi, tu vois bien !

 

Oui je vois bien. Mais si vous voulez comprendre, il faut commencer par le commencement…. Faites-moi confiance !....

 

Le lendemain

 

Voilà nous y sommes. En fait nous ne sommes pas venus pour acheter, mais pour observer. J’ai insisté pour être là avant neuf heures. Et si je vous ai demandé à chacun de mettre dans vos poches un petit carnet et un stylo, c’est pour noter les prix des marchandises, une première fois, au début du marché, c’est-à-dire maintenant et une deuxième fois, vers midi-une heure, au moment de la fermeture.

 

Tu veux qu’on note tous les prix ? Mais c’est impossible !

 

Non bien-sûr, pas tous. Seulement trois ou quatre. Voilà comment on va procéder. Vous irez chacun d’un côté du marché et vous noterez le prix du kilo de saumon, du kilo de roquefort et du kilo de tomates. Vous prendrez les premiers marchands que vous rencontrerez en vous dirigeant vers le centre. Dès que vous aurez fini, vous me retrouverez au petit bistrot près de la station de métro.

 

Mais papa, qu’est-ce qu’on fait s’il y a plusieurs sortes de saumon, de roquefort ou de tomates ?

 

C’est bien d’y penser. Vous choisissez l’une sorte, n’importe laquelle, et vous l’écrivez sur votre calepin. En fait dès que vous aurez fini, on quittera le marché…. Et on reviendra vers midi. Là, vous noterez une deuxième fois les prix. En choisissant les mêmes marchands et les mêmes produits.

 

Mais papa, pour quoi faire ça deux fois ? Il n’y a pas de raison que les prix changent !

 

Eh bien si, justement, vous verrez que les prix changent, dans l’espace et dans le temps. Mais j’en ai trop dit. Rendez-vous au café dans un quart d’heure !...

 

 

… Voilà papa, Il est neuf heures et demie, nous avons chacun nos trois prix. Que fait-on maintenant ?

 

Nous n’allons évidemment pas attendre ici la fin du marché. Mais avant de retourner à la maison, nous allons comparer les prix que vous avez relevés. Voilà je vais les écrire sur une feuille. Saumon coté métro, saumon côté Tour Eiffel. Pareil pour le fromage et les tomates. Qu’est-ce qu’on voit ?

 

Tiens, c’est curieux, les trois prix sont plus élevés côté métro qu’à l’autre extrémité, du coté Tour Eiffel. C’est un hasard incroyable.

 

Non, ce n’est pas un hasard. Les clients qui sont venus en métro sont plutôt pressés, ils font leurs achats auprès de premiers marchands qu’ils rencontrent. Les autres clients viennent ici pour acheter des produits frais bien-sûr mais aussi, pour le plaisir. Ils déambulent et constatent que les prix les plus élevés sont du côté du métro. Les moins élevés sont de l’autre côté.

 

Voilà, et dans deux ou trois heures, quand nous reviendrons, vous verrez que beaucoup de prix auront baissé, car les vendeurs ne veulent pas rentrer chez eux avec certaines marchandises invendues.

 

Cet exemple banal vous fait comprendre que si l’univers des marchés financiers est plus compliqué, les comportements humains y jouent aussi un rôle très important. La fameuse loi de l’offre et de la demande est partout

 

Tout le monde dit qu’il faut réguler les marchés. On le dit depuis des années et pourtant rien ne se passe. Quel est le problème ?

 

Ah la régulation des marchés ! C’est un des sujets favoris des médias et du monde politique.

 

 

Ce qu’ils nous disent est simple : les marchés ne sont pas régulés, sous-entendu ils sont manipulés par des organismes de pouvoirs agissant contre les intérêts du peuple et des Etats.

 

 

J’exagère à peine. La confusion règne. De bonne ou de mauvaise foi, une partie du monde politique utilise ce discours pour définir un ennemi commun. Pointer le doigt sur l’ennemi commun est un facteur d’union. C’est aussi trouver un alibi facile aux problèmes qui ne sont pas résolus.

 

 

Il y a en France et probablement en Europe une bonne moitié de la population qui pense sincèrement que les marchés doivent être régulés. Sans comprendre exactement de quoi il s’agit. C’est même écrit noir sur blanc dans les manuels de terminale SES !

 

Je vous parlerai plus tard de la détestation des banques. Banques et marchés, c’est la même famille, et cette image négative a des racines anciennes !

 

Sachez donc que la bourse est un marché mondial fortement régulé. Cette information est publique. Et pourtant on continue sur le thème de la non-régulation des marchés !

 

La raison principale de cet acharnement et la contradiction s’explique par un fait bien réel, la persistance des crises financières. Pensez à la fameuse crise des subprimes dont il est encore question aujourd’hui. Mais bon, chaque sujet en son temps, je reviendrai sur ce fameux contrôle du monde de la bourse, en France et ailleurs.

 

Et en résumé, un petit sujet de réflexion philosophique : un prix n’existe pas en tant que tel, c’est un objet mouvant, au gré de l’offre et de la demande et aussi en fonction du risque, mesuré et ressenti.

 

 

 

 

 

 

Chapitre 3 – ET QUI CONTRÔLE LA BOURSE ?

  

Papa, tu nous a décrit une situation idéale, à partir d’entreprises exceptionnelles que tout le monde connait. Mais il n’y a pas que des Apple et des Tesla en bourse. Il y a forcément de la triche ! 

 

A propos du contrôle de la bourse, je vous disais tout à l’heure qu’il n’y a pas de loup, mais il y a des règles sévères pour les sociétés comme pour ceux qui achètent ou vendent des actions.

 

Bien-sûr que toutes les entreprises ou presque rêvent d’aller en bourse ! Mais comme je viens de le dire, il y a de vraies contraintes, la transparence, l’honnêteté absolue des comptes qui doivent être contrôlés par des organismes reconnus. Mais surtout, il faut bien voir le vrai prix à payer pour cet argent obtenu en bourse sans obligation de remboursement. Ce prix, c’est une perte d’autonomie pour l’entreprise.

 

Une action, c’est juridiquement un titre de propriété d’une partie du capital de l’entreprise. Les actionnaires sont les copropriétaires de l’entreprise. Donc ceux qui achètent des actions ont leur mot à dire sur la gestion de l’entreprise, et ça peut devenir gênant pour les fondateurs lorsqu’une grande partie du capital est concentrée dans les mains de quelques actionnaires extérieurs.

 

Il y a des cas célèbres de fondateurs écartés de leur entreprise par les actionnaires. Rappelez-vous Steve Jobs mis à la porte d’Apple à une époque, et rappelé en suite. Rappelez-vous le cas plus récent du fondateur d’Uber, viré en juin 2017.

 

Plus généralement, et contrairement à ce qu’on entend souvent, la bourse est régulée, très régulée même. Toutes les bourses mondiales sont contrôlées, et les entités chargées de ces contrôles ont des pouvoirs étendus. 

 

Aux Etats-Unis, l’organisme qui fait ce contrôle s’appelle la SEC, abréviation de Security Exchange Commission. Le mot Security est un faux-ami qui signifie « titre ». Les actions sont des titres. Il existe une autre catégorie de titre, les Obligations, dont je vous parlerai le moment venu.

 

En France l’organisme chargé du contrôle de la bourse s’appelait la COB, la commission des opérations de bourse. La COB a fusionné avec un autre organisme qui s’occupait des obligations. Elle est devenue l’AMF, Autorité des Marchés Financiers. L’AMF est donc le pendant français de la SEC.

 

Pour que les choses soient simples, l’AMF a été à son tour fusionnée avec l’organisme de contrôle des banques pour donner l’ACPR.

 

Ollé les acronymes !

 

Mais ne vous inquiétez pas pour retenir tous ces sigles, l’important est de savoir que le contrôle est pris très au sérieux.

 

Ces organismes vérifient que les entreprises qui veulent être cotées, et celles qui le sont déjà, se conforment scrupuleusement aux obligations de transparence et de sincérité des comptes. Si une infraction est constatée, les sanctions peuvent aller jusqu’au retrait de la bourse. Ce contrôle est pris très au sérieux par les entreprises.

 

Et du côté des intervenants, les organismes en question font une sorte de police efficace. Le problème numéro un est la triche consistant à utiliser une information confidentielle de l’entreprise pour faire une opération. Ce qu’on appelle le délit d’initié.

 

Si par exemple je sais par un copain que son entreprise est sur le point de décrocher un très gros contrat, la tentation est forte d’acheter immédiatement des actions. Le jour où l’information sur le gros contrat sera rendue publique, le cours va monter. Donc je peux faire un bénéfice en revendant mes actions.

 

C’est difficile à prouver sur le moment, mais par des recoupements, par l’accès aux comptes bancaires des personnes suspectées, les organismes de contrôle font régner l’ordre. Ils ont le pouvoir de sanctionner les infractions par des amendes qui peuvent être très élevées.

 

D’accord, les gens achètent des actions parce qu’ils pensent que le cours va monter. Mais qu’est-ce qui fait monter les cours. Qui décide que telle ou telle action va monter ? Et pourquoi les cours vont monter de 2% et pas 4% ?

 

Là aussi, la réalité va vous surprendre. Tout le monde a entendu parler des traders. On sait que la City de Londres, a recruté des milliers d’ingénieurs pour optimiser le travail des traders. On parle aussi des ordinateurs qui passent tous seuls des milliers d’ordre en quelques fractions de secondes. Ce qu’on appelle le high frequency trading, le trading haute fréquence. J’y ai déjà fait allusion.

 

On peut donc penser que les mécanismes boursiers sont compliqués. Oui, ils sont compliqués, mais les principes sont simples. La règle des hausses ou des baisses de cours, c’est l’offre et la demande.

 

Oui l’offre et la demande, la même règle qui s’applique dans tous les marchés, c’est-à-dire des lieux où des acheteurs et des vendeurs se rencontrent. Je dis bien tous les marchés. Les marchés immobiliers, le marché de l’emploi, le marché aux légumes.

 

C’est comme les ventes aux enchères : plus il y a de gens qui veulent acheter, plus les prix montent. Et au contraire, s’il y a peu d’acheteurs, les prix baissent. Parfois les vendeurs préfèrent retirer les objets de la vente si les prix proposés sont trop bas.

 

Les marchés existent lorsqu’il y a plusieurs personnes qui achètent de que d’autres proposent à la vente. Le prix du marché est comme un vote.

 

Le mécanisme qui se passe dans la tête pour déclencher l’envie d’acheter est parfois un peu mystérieux mais ce qui est clair, c’est le résultat. A un moment donné, le niveau de prix déclenche l’achat.

 

Eh oui, malgré la sophistication, malgré les algorithmes, le niveau de cours des actions n’a rien de mathématique. Il y a des éléments objectifs, des repères, mais à la fin tout se passe dans la tête des gens. Et quand tout le monde pense la même chose, il y a ce qu’on appelle un krach, parce que si tout le monde veut vendre au même moment ou acheter au même moment, le prix implose ou explose, le prix devient fou. C’est comme si tous les passagers d’un paquebot montaient sur le pont et de penchaient du même côté. Le bateau se renverse.

 

Papa, tout s’embrouille dans ma tête. Je comprends que la bourse c’est génial parce que ça permet aux entreprises d’obtenir de l’argent avec un minimum de contraintes. Mais que deviennent les banques dans tout ça ? Elles vont disparaître ? Et aussi, la question à laquelle tu n’as pas répondu, pourquoi toutes les entreprises ne vont pas en bourse?

 

Ah ! Les questions que j’attendais ! Comment la bourse et les banques se combinent, est-ce qu’il y a une concurrence ? Mais d’abord la dernière question, pourquoi il n’y a -t-il pas une ruée des entreprises vers la bourse.

 

J’y ai en partie répondu en parlant de la perte d’autonomie pour les propriétaires de l’entreprise, de l’obligation de transparence. Prenez l’exemple de Chanel, une entreprise familiale qui a une tradition de discrétion et de secret. Les propriétaires ne veulent pas s’exposer, rendre leurs comptes publics. Mais surtout ils n’ont pas besoin d’argent ! Ce genre d’entreprise n’a pas de lourds besoins d’investissements.

 

Quand une entreprise veut chercher de l’argent en bourse, elle se tourne vers une banque d’affaires, qui va la conseiller de A à Z pour son IPO. Une première sélection s’opère déjà.

 

Une banque d’affaires joue un peu de sa réputation à chaque opération. Elle ne va donc pas courir le risque de conseiller un canard boiteux. Le dossier de l’entreprise doit être impeccable, son business model doit être clair, ses dirigeants de grande qualité, etc …

 

Ensuite se pose la question décisive, le prix auquel l’action sera proposée. Evidemment ce n’est automatique, mais il y a de nombreuses techniques pour définir une « zone » de prix possibles. Les banques d’affaires procèdent entre autres par comparaisons avec des entreprises semblables, et s’inspirent des ratios observés dans ces entreprises. Le plus courant est le fameux PER, le Price Earning Ratio.

 

Voilà je vous donne un nouveau mot du jargon financier. Ce n’est pas très compliqué. C’est le rapport entre le prix total des actions et les bénéfices. En fait pour que ça soit plus parlant, on se met au niveau du cours de l’action. Et de même, pour que ça soit homogène, on ne regarde pas la totalité du bénéfice, mais le bénéfice divisé par le nombre d’actions, ce qu’on appelle le bénéfice par action. Les spécialistes disent aussi que le cours de l’action capitalise n fois le bénéfice par action. C’est une autre façon de dire que le PER est égal à n.

 

C’est du bon sens en fait. Un cours en euro ou en dollar ne permet pas les comparaisons entre les entreprises. Le PER, lui, le permet.

 

Bon c’est technique. Retenez seulement que pour aller en bourse, il faut être nickel à tous les points de vue et que finalement c’est la banque d’affaires qui va faire le filtre et décider de tout.

 

Alors, si ça ne marche pas, l’entreprise va voir sa banque habituelle ?

 

C’est un peu ça, mais plus largement je vais vous expliquer pourquoi les banques et la bourse sont complémentaires. 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 4 – ON DIT QUE LA BOURSE N’EST PAS DANS L’ÉCONOMIE RÉELLE

 

Euh papa, on voit à peu près, mais c’est pas grave. Tu nous re-expliqueras ça une autre fois. Ce qu’on voudrait maintenant, c’est que tu nous expliques cette finance dont on parle sans arrêt, les marchés, les obligations, les dérivés. Ce que toi tu appelles le monde de la finance. Et d’abord, tout le monde dit que les marchés sont déconnectés de l’économie réelle, est-ce que c’est vrai ?

 

Attends, c’est qui « tout le monde » ?

 

Ben tu vois, les journaux, les hommes politiques. On le dit aussi à la Télé.

 

Oui en effet. Tu aurais pu ajouter les économistes. Enfin pas tous, mais presque. Ce discours sur l’inutilité des marchés n’est pas juste mais il peut convaincre beaucoup de monde car il joue sur les apparences.

 

Je vais commencer par vous parler de ces apparences.

 

Parler d’une déconnexion des marchés et de l’économie réelle, c’est imaginer une séparation entre les deux, une séparation qui serait la source d’un gâchis formidable.

 

D’un côté donc, il y aurait des masses d’argent qui circulent, de l’argent qui tourne en rond, le mauvais argent de la spéculation. Et de l’autre il y aurait l’économie réelle, une économie vertueuse qui aurait bien besoin de cet argent mais qui en serait privée.

Cette vérité apparente s’appuie sur deux affirmations … fausses. La première est que les sommes mises en jeu chaque jour sont colossales. La seconde est que les marchés seraient des lieux de spéculation pure.

Les sommes colossales d’abord. Vous allez voir comment se crée une illusion.

 

Imaginez une mini-bourse. Quelqu’un achète une action de 100€ à une entreprise. Ce quelqu’un revend son action au même prix une heure après à un acheteur, qui la revend, etc …, dix fois de suite dans la journée.

 

C’est effectivement ce qui se passe en vrai chaque jour, à une autre échelle bien-sûr. Je vous dirai plus tard pourquoi il y a des gens qui font ça.

 

Les commentateurs de la mini-bourse vont dire: aujourd’hui, le volume des échanges a été de 1000€. C’est une manière de voir les choses, et en effet dix fois cent euros, ça fait 1000€. Mais cela veut-il dire que 1000€ sont sortis de l’économie « réelle » pour s’investir en bourse ?

 

Non bien-sûr. En fait rien n’est sorti de cette économie réelle, même pas les premiers 100€.

 

Je vois la surprise dans vos regards, mais vous allez comprendre.

 

Le premier acheteur a effectivement diminué ses avoirs de 100€, mais l’entreprise a augmenté les siens du même montant. Lorsque cette action a été revendue, le nouvel acheteur a versé 100€ au vendeur et ainsi de suite.

 

Tour à tour, 100€ sont sortis puis entrés dans les poches des uns et des autres, mais globalement, l’argent qui circule n’a pas été retiré des circuits de l’économie réelle.

 

Donc lorsqu’on lit ou entend que chaque jour des milliers de milliards de $ et d’€ se sont portés en bourse, ou sur le marché des changes, ou sur tout autre marché, en fait c’est beaucoup moins, et surtout, cet argent n’est pas sorti du système économique. 

 

Ce qui est sorti d’un côté est immédiatement rentré de l’autre. Globalement, les choses n’ont pas changé.

 

Le seul intérêt de ces chiffres énormes est de permettre les comparaisons d’activité. Les comparaisons d’un jour à l’autre pour une bourse donnée, ou les comparaisons de bourses de différents pays.

 

Ceci dit, il reste l’autre affirmation, selon laquelle l’activité en bourse serait en fait inutile. Pire elle serait immorale, puisque spéculer, ce n’est pas bien.

 

C’est le deuxième miracle de la bourse: la spéculation est utile. 

Rappelez-vous, le premier miracle de la bourse est que l’entreprise qui a émis des actions n’est pas tenue de rembourser ce qu’elle a reçu. Et s’il y a des gens disposés à acheter une action, puis à la revendre puis à en racheter une autre, c’est parce qu’ils ont l’espoir de gagner de l’argent. C’est parce qu’ils ont le goût de la spéculation et du risque.

 

Et c’est parce que cette envie de spéculer existe qu’à un moment, une entreprise a reçu de l’argent qu’elle n’aura pas à rembourser.

 

De l’argent qu’elle va utiliser pour investir, recruter du personnel, se développer, embaucher. De l’argent qu’elle va utiliser à des fins vertueuses.

 

Papa je ne comprends plus. Tu parles des spéculateurs qui ne pensent qu’à gagner de l’argent et des entreprises qui sont des modèles de vertu.

 

Je n’ai pas dit que les entreprises étaient des modèles de vertu. C’est le système boursier qui est vertueux. ! La bourse transforme l’esprit de spéculation en élément positif pour l’économie. C’est un effet vertueux greffé sur le terrain de la spéculation qui n’est peut-être pas vertueuse, mais dénote une capacité à prendre des risques.

 

C’est troublant, je suis d’accord, puisqu’on a l’impression d’un tour de passe-passe. Le mal devient bien. Le vice devient une vertu.

 

Vous comprenez pourquoi ceux qui aiment bien voir le monde en noir et blanc sont troublés par la bourse. Vous comprenez comment ce mensonge consistant à dire que la bourse est déconnectée de l’économie est en fait une protection, un refus de voir les choses en face.

 

Dans cette affaire, il ne faut pas être un génie pour comprendre !

 

Ok certains mécanismes boursiers sont compliqués. Il y a des algorithmes très pointus pour optimiser les bénéfices entre les achats et les ventes, mais le principe ne change pas. C’est celui que je vous ai décrit.

 

Amusez-vous à en discuter avec vos copains. Expliquez-leur ce que vous avez compris. L’emprunt qui n’est pas remboursé, l’avantage pour l’entreprise, les achats-ventes qui ne s’arrêtent jamais., la spéculation qui est la condition pour que le système fonctionne… Et vous me raconterez les réactions que vous avez observées.

 

Dîtes-leur aussi que ce mécanisme spéculation-vertu existe dans d’autres domaines. Le boulanger ne fait pas le pain, dont nous avons tellement besoin, par altruisme et par amour de ses concitoyens. Il le fait pour gagner des sous.

 

Notre pain quotidien, si beau, si symbolique, existe parce que des gens, des boulangers ont envie de gagner de l’argent. Voilà, l’homme est ainsi fait, c’est ni bien ni mal, c’est comme ça.

 

Papa ! Tu dois nous parler d’économie et de finance, pas de morale !

 

Et pourquoi pas ? Mais il y a d’autres sujets tout aussi importants dont on ne parle pas à l’école, comme le droit par exemple, la psychologie, ou la politique …

 

Oui, mais la finance c’est compliqué, tu ne peux pas le nier !

 

Mais non, au contraire ! Comme vous le verrez, la finance est plus simple qu’il n’y parait. C’est même plus facile à comprendre que bien des sujets enseignés au Lycée, dans les Ecoles ou à la fac.

 

Cela dit, je comprends très bien ce que vous ressentez, cette impression de complexité. Une impression qui tient principalement à un problème de langage, et au fait que les notions de base sont rarement expliquées.

 

A propos de langage, je ne parle même pas du problème du jargon, je pense d’abord au mot finance lui-même. Un mot valise comme on dit, un mot qui a plusieurs sens. 

 

finance.jpg Dans l’entreprise par exemple, le mot finance s’applique à deux domaines bien distincts. Il y a d’un côté tout ce qui décrit comment cette entreprise gagne de l’argent et ce qu’elle gagne. On parle par exemple des finances de l'entreprise pour

évoquer sa rentabilité, pour voir si elle est bénéficiaire ou pas, ce qui peut être amélioré.

 

Mais à côté du calcul du bénéfice, il y a une activité parallèle absolument nécessaire pour que tout fonctionne. Une activité de financement, qu’on appelle aussi finance. Cette finance, c’est l’argent extérieur dont l’entreprise a besoin pour fonctionner. De l’argent extérieur, ça veut dire de l’argent fourni par des tiers. Même Chanel, dont je vous ai déjà parlé. Chanel, n’a pas de besoins de financement extérieur, mais ils ont quand même des petits crédits bancaires, c’est inévitable. Des crédits temporaires…

 

Vous allez comprendre. Prenez l’exemple d’une start-up qui voudrait vendre un nouveau produit. Avant de faire des ventes, il lui faut acheter des ordis, recruter des ingénieurs pour concevoir la fabrication, recruter des commerciaux, louer des locaux … Avant de vendre, il faut dépenser. Avant de vendre, il faut investir, et pour investir, il faut financer.

 

Et ce besoin de financement ne s’arrête pas là. Une fois que l’on commence à vendre, il y a toujours un décalage dans le temps, entre le moment où il faut payer les salaires et le moment où les clients paient ce qu’ils ont acheté.

 

Il y a donc deux flux d’argent distincts dans l’entreprise, un flux qui génère des bénéfices et un flux parfois plus important que le premier et qui permet à l’entreprise de tourner.

 

Pour fonctionner, une entreprise a besoin de financement. Et ce financement c’est le plus souvent du crédit bancaire, mais pas que.

Concrètement, si vous regardez ce qu’une entreprise a en caisse à un moment donné, rien ne permet de distinguer un euro résultant d’une vente d’un autre euro résultant d’un crédit bancaire. Ce qu’une entreprise a en caisse ou sur son compte en banque n’est donc jamais égal à son bénéfice.

 

Il y a un troisième sens du mot finance, c’est le monde de la finance. Ce sont les apporteurs de finance, les banques, la bourse et les marchés. Ce monde de la finance est interconnecté et il est aussi connecté aux entreprises.

 

En fait c’est plutôt l’inverse, c’est l’entreprise, toutes les entreprises, qui se connectent au monde de la finance. Les États aussi d’ailleurs, mais c’est une autre histoire.

 

Lorsqu’on parle de la politique financière de l’entreprise, on parle de la manière dont elle organise ses relations avec les apporteurs de finance, comment elle choisit de répartir ses besoins entre les organismes susceptibles de lui fournir de l’argent, les banques, bien-sûr, et aussi les actionnaires, ou les marchés financiers. 

 

La start-up dont je parlais tout à l’heure, il lui a bien fallu trouver quelque part l’argent du départ. Bon au tout début, c’est l’argent des associés et de leurs amis. Mais à partir d’un certain montant, les associés sont obligés de chercher ailleurs. Ailleurs, c’est les banques, mais les banques n’aiment pas trop les start-ups, car c’est trop risqué pour elles. Pour elles et pour nous, car il faut savoir que lorsqu’une banque prête de l’argent, c’est notre argent qu’elle prête !

 

Bon vous comprenez maintenant qu’une grande partie de la confusion que l’on ressent avec le mot finance est normale. Vous avez vu qu’il y a donc au moins trois sens à ce mot, selon que l’on parle de la création de bénéfices par l’entreprise, ou de son financement interne ou encore de sa relation avec le monde de la finance.

 

Voilà, j’espère que j’ai été clair, et que vous avez compris pourquoi le mot finance … n’est pas clair.

 

Mouais, je sens que tu devras nous re-expliquer tout ça. Mais d’abord, tu as laissé des sujets en suspens, la banque, par exemple...

 

 

 

 

Chapitre 5 – Financiarisation, Capitalisme financier, ça fait peur, non ?

 

Oui la mondialisation… c’est un de ces mots qui circule dans les médias et dont le sens n’est pas vraiment clair. Et parce que ces mots sont entourés de flou, ils ont pris une tournure menaçante. Je pense aussi à titrisation, subprimes, désintermédiation … etc…

 

Oui, mais papa, il y a bien des raisons de se méfier, quand même !

 

Alors je vais commencer par un petit exemple pour expliquer la mondialisation. Imaginez un pays du grand Nord comme la Norvège, un pays où le climat est quand même très rude. Ce n’est pas facile de faire pousser des ananas en Norvège. Et en même temps, on comprend que ses habitants aient envie de se nourrir de tout ce que le monde produit de bien. On a donc créé des circuits d’importation pour les ananas, et pour d’autres produits. Et pas seulement des produits agricoles, des produits industriels.

 

Le bon sens fait comprendre que plus on fabrique, plus le prix baisse. Et peu à peu, les entreprises ont fait fabriquer ces produits dans les pays-mêmes où ils étaient le plus consommés, qui étaient souvent des pays assez ou très pauvres.

 

Avec plusieurs avantages, on y a créé des jobs, on a donné à ces pays la possibilité de produire eux-mêmes, et on a supprimé une grande partie des frais de transports. Prenez l’exemple simple de la Chine, où se fait une partie de l’assemblage des téléphones d’Apple. Voyez l’Allemagne qui a transféré une grande partie de sa fabrication de voitures à l’Est de l’Europe. Et la Chine, encore elle, qui nous fait encore bénéficier de vêtements à des prix incroyablement bas.

 

Et après la Russie et la Chine, les transferts se feront ailleurs, en Inde par exemple.

 

Oui papa, on comprend, mais la finance, c’est l’autre face de la mondialisation qui inquiète ! Et la pollution aussi !

 

Attendez, il y a beaucoup de choses à discuter. Je voudrais commencer par une vue d’ensemble.

 

Au fil des ans, un tableau très sombre de la finance a été construit et son image a conquis l’opinion. Je ne sais pas encore qui, derrière les médias et hélas aussi, dans l’enseignement, a contribué à cette vision négative mais c’est un autre sujet. On nous a dit et répété au fil des ans tout le mal qu’il fallait penser de la mondialisation et du capitalisme financier. Des mots qui ne sont pas vraiment compris et qui font peur !

 

Tu dis ça mais tout le monde en parle …

 

Oui, c’est une expression souvent citée, mais ce qui se dit souvent n’est pas forcément vrai. Rappelez-vous l’exemple des marchés soi-disant non régulés.

 

Je vais donc vous dire un mot du capitalisme financier.

 

C’est une expression curieuse, disais-je, parce qu’elle laisse penser qu’il y aurait un capitalisme non-financier, et donc en fait un meilleur capitalisme, un capitalisme sans finance, et pourquoi pas une économie sans finance, ou avec moins de finance.

 

Et donc une économie sans argent, ce qui n’a pas de sens. L’humanité a mis plus de deux mille ans à éliminer complètement le troc. Et c’est l’argent qui a remplacé le troc. L’argent est un élément incontournable de l’économie.

 

Oui papa, mais on parle aussi de financiarisation de l’économie, c’est peut-être ça que veut dire le capitalisme financier !

 

Exactement ! J’allais y venir. Tu aurais pu aussi parler des délocalisations, des superprofits, de la croissance qui pollue, des inégalités …

 

C’est un fait que la finance, c’est-à dire le financement a pris de plus en plus de place dans la vie économique. Mais vu de l’extérieur, pour ceux qui ne veulent pas comprendre ou qui font semblant de ne pas comprendre, c’est vrai que les mots banque et marché, dette, bourse, etc… sont beaucoup plus cités aujourd’hui qu’il y a seulement 10 ans.

 

Beaucoup de personnes pensent que la finance est un monde fermé, un monde à part de l’économie, et que donc, ce n’est pas bien. Parlons-en.

 

Nous t’écoutons

 

Rappelez-vous quand nous avons commencé à discuter, je vous ai dit que la finance c'était tout ce qui faisait circuler l'argent dans l'économie. Je pourrais ajouter une comparaison et dire que la finance est pour l'économie ce que le circuit sanguin est pour l'organisme humain, un mécanisme indispensable.

 

Le problème qui s'est posé est que la finance a échappé au contrôle des États. C'est très important parce que dans l'esprit de nombreux intellectuels français, enseignants ou journalistes de haut niveau, le contrôle de la vie économique et sociale par l'État est fondamental.  Vous l'avez sans doute appris à l'école c'est une vision des choses qui a été mise en avant par un certain Keynes. Un économiste de grand talent disparu juste après la dernière guerre mondiale.

 

Cette importance donnée au rôle de l’État il y a plus de soixante-dix ans va très loin puisque c’est un élément central du clivage politique actuel. Pour simplifier, les partis de gauche cherchent à renforcer le rôle de l’État, présenté comme impartial et détenteur de la vérité. Et les partis de droite, ceux que l’on appelle les libéraux, sont au contraire en faveur de la liberté économique.

 

Accepter le rôle des marchés, c’est admettre que l’État ne peut pas tout régenter, et pour beaucoup d’Européens, donc, cette réalité ne passe pas, pour des raisons surtout idéologiques, hélas difficiles à discuter de manière apaisée.  

 

Or, dire que la finance s'est mondialisée, c'est simplement reconnaître qu’une partie de l'argent qui circule dans l'économie française provient de sources étrangères. Ceux qui pensent que cette situation est inacceptable oublient que l’inverse est vrai. Il y a des entreprises françaises qui achètent des entreprises étrangères. Il y a des épargnants français qui achètent des actions sur les bourses étrangères. Et on sait que l’État français, comme la plupart des pays européens, bénéficie de crédits accordés par des prêteurs étrangers.

 

Beaucoup de ceux qui ne veulent pas reconnaître cette situation s’insurgent contre la mondialisation. Cette révolte va plus loin que la finance, elle touche l’économie dans son ensemble, et prend une allure franchement politique par exemple chez ceux que l’on appelle les souverainistes. Il y a par exemple de nombreux Français qui pensent que l’Europe s’est créée au détriment de l’autonomie de la France. Ou que la création de l’euro a privé la France de sa souveraineté monétaire.

 

Ces idéologies convergent vers un repli de la France qui serait dommageable sur le plan économique. Mais il faut reconnaître que certains des arguments font mouche dans l’opinion, comme, par exemple, l’idée des relocalisations et du « produire » français. Vouloir faire en France tout ce que nous nous consommons serait une folie. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, faut garder la bonne mesure, c’est une question de curseur.

 

Mais quand même, Papa, il y a des éléments négatifs dans la finance

 

Je préfère vous donner d’abord quelques exemples positifs. Pensez aux bouleversements et aux progrès de l’humanité dans ces 30 dernières années, pensez à l'amélioration incontestable de notre mode de vie sur tous les plans.

 

La santé par exemple. On guérit aujourd'hui beaucoup mieux qu'il y a 30 ans, on vit plus longtemps. Regardez avec quelle vitesse on a trouvé les vaccins anti-covid.

 

Autre exemple, les transports. On peut voyager aujourd'hui sans difficultés et à des prix abordables et dans quelques années la voiture électrique va nous permettre de réduire la pollution dans le centre des villes. Et grâce à la concurrence, les prix vont baisser, même si pour lancer la machine, les États donnent des subventions. 

 

Tous ces progrès et bien d’autres ont été possibles grâce à la recherche mondiale.  La recherche ce sont des techniciens, des ingénieurs et toutes sortes de spécialistes par centaines de milliers qui travaillent pendant des années et qu’il faut payer parce que les résultats ne sont pas immédiats.

 

Et qui finance tout ça ? Les États, oui un peu, mais surtout les entreprises privées. Et les entreprises privées obtiennent de l’argent sur les marchés.

 

Papa, le chômage, les faillites d’entreprises …

 

Oui, les faillites et le chômage existeront toujours. C’est ce que les économistes appellent la destruction créatrice, selon la formule de Schumpeter. Sachez que votre arrière-grand-père, un soyeux, en a fait l’amère expérience. Il y a bien des années, son entreprise n’a pas résisté à la concurrence du nylon, qui a permis à des millions de femmes d’acheter des bas bien moins cher que les bas de soie…

 

Vouloir supprimer les faillites et le chômage par le repli et la coupure avec le monde extérieur n’est pas réaliste. L’idée n’est donc pas de les supprimer, mais de rendre facile le reclassement de ceux qui sont touchés, par la formation. Une formation qui doit commencer très jeune et se poursuivre toute la vie. Changer de travail souvent va devenir très courant dans la vie de chaque personne. J’y reviendrai.

 

  

 

 

 

 

 

Chapitre 6 – DIS PAPA, EXPLIQUE-NOUS LA BANQUE

 

Oh c’est simple, la banque est bien utile pour tout le monde, dans la vie de tous les jours. 

 

D’abord, elle garde l’argent des clients, ce qui n’est pas rien.  Ensuite elle assure les paiements et donc elle fait tourner cet argent dans les tuyaux de l’économie. Et enfin elle distribue des crédits à ceux qui le demandent.

 

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Ce qui est intéressant, et dont on ne se rend pas compte, c’est qu’en fait, la banque prête aussitôt l’argent qu’on lui confie. Dans les banques, l’argent ne dort jamais. 

 

Attends, tu veux dire que la banque prête mon argent, … enfin, dès qu’il y en a sur mon compte ? 

 

Oui, exactement. 

 

Mais comment ça marche ? Qu’est-ce qui se passe si le lendemain je veux faire une dépense. Elle est obligée de reprendre le crédit qu’elle a fait ? 

 

Non bien-sûr. Un crédit est un crédit, la banque ne reprend rien du tout. 

 

Mais alors, comment fait-elle, si elle n’a plus mon argent et si j’en ai besoin? 

 

Facile, elle l’emprunte. 

 

Elle l’emprunte ? Alors là, je n’y comprends plus rien. 

 

Mais si, tu vas voir. La banque va emprunter ce qui lui manque à une autre banque. C’est la face cachée des banques, la solidarité. Une solidarité forcée, parce qu’une banque ne peut jamais prévoir exactement ce que ses clients reçoivent ou ce qu’ils décident de dépenser. 

 

Les banques ont l’air de se faire concurrence, ce qui n’est pas faux d’ailleurs. C’est le côté cours. Mais côté jardin, en coulisse donc, elles s’entraident. 

 

Chaque jour, des milliards circulent d’une banque à l’autre. Chaque jour, certaines banques ont des excédents inemployés, et d’autres banques ont des demandes de retrait ou de crédit d’un montant équivalent, ou presque équivalent, qu’elles ne peuvent satisfaire. 

 

Alors elles se sont organisées pour se prêter entre elles. 

 

Mais ça doit être terrible à gérer ! Et qu’est-ce qui se passe en cas de couac ? Tu dis que ça marche « presque » chaque jour. Il y a donc des jours où ça ne marche pas !

  

Oui pour tes deux remarques. C’est compliqué à gérer, mais avec les ordinateurs, ça se passe sans problème. Chaque jour, en fin de journée, les banques font leurs comptes et constatent que globalement elles ont un plus ou un moins. L’équilibre se fait très vite entre les banques « prêteuses » et les banques « emprunteuses.

 

 

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Les prêts qu’elles se font entre elles ne durent que 24 heures. Donc le lendemain, tout recommence. Il faut rembourser ce qui a été emprunté et refaire le bilan de la journée. Une banque peut être emprunteuse un jour et prêteuse le lendemain. Les mouvements d’argent décidés par la clientèle sont imprévisibles.

Incroyable ! Mais donc, s’il y a un trou ?

S’il y a un trou comme tu dis, la ou les banques qui n’ont pas trouvé de prêteur se tournent vers la banque centrale, qui, elle, a des poches illimitées. 

Ce système a un nom que vous avez peut-être déjà entendu, c’est le marché interbancaire. On parle aussi de marché monétaire.

 

Vous allez voir comme c’est malin. La banque centrale ne se contente pas d’un rôle passif, qui serait de faire l’appoint, et de compléter ce qui manque aux banques. Elle peut jouer avec les taux d’intérêts.

 

Je n’en ai pas encore parlé, mais les prêts entre banques ont un coût, calculé à partir d’un taux d’intérêt, appelé le J/J. J/J veut dire jour le jour. 

 

La plupart de ces prêts/emprunts sont à 24 heures, mais une fraction non négligeable concerne des durée plus longue, la semaine, voire le mois. Donc, conséquence importante, une banque peut être emprunteuse sur 24 heures et prêteuse sur une semaine. 

 

Voilà, vous devenez progressivement des experts. 

 

Mais qui fixe le J/J comme tu dis ? La banque centrale ? 

 

Oui et non. Je vous ai dit que ça s’appelle le marché interbancaire. Dans « marché interbancaire », il y a le mot marché. Donc une référence à l’offre et la demande. 

 

La banque emprunteuse se tournera vers celle des banques prêteuses qui propose le taux le plus bas. Donc un « prix de marché » se définit rapidement. Je devrais dire un «taux d’intérêt de marché ». 

 

Mais la banque centrale peut influencer ce taux de marché. Par exemple, elle va annoncer qu’à partir de telle date, elle prêtera ou prendra des dépôts à tel ou tel taux. Les autres banques vont évidemment s’aligner. 

 

Et ce n’est pas tout : la banque centrale joue aussi avec les volumes. En annonçant de gros volumes disponibles sous formes de prêts aux banques, elle favorise le crédit. 

 

Ce que je vous ai dit de la banque centrale marche donc dans les deux sens. Je veux dire par là qu’elle peut restreindre le crédit en augmentant ses taux et en diminuant les volumes. En fait les deux sont liés, si les taux augmentent, les volumes vont diminuer. Ils vont diminuer parce que les demandeurs de crédit. 

 

Voilà, vous commencez à entrevoir ce que veut dire l’expression « politique de la banque centrale ». Globalement, avec ses interventions, la banque centrale a le pouvoir de contrôler le volume d’argent en circulation dans l’économie. Ce que, en jargon, on appelle la masse monétaire.

  

Attends papa, ça fait beaucoup de choses à comprendre, et c’est quand même très abstrait tout ça ! 

 

Abstrait ? Oh que non. On a au contraire des exemples très concrets de ce marché interbancaire, et de son importance dans le monde entier. Vous vous rappelez de la crise des subprimes ? 

 

Papa, tu ne crois pas que ça fait déjà beaucoup à assimiler tout ça ? Et tu nous parles des subprimes !

  

Ok, tu as raison. Alors je vais conclure en vous donnant un sujet de réflexion. Qu’est-ce qui se passe à votre avis dans le marché interbancaire si les banques apprennent que l’une d’entre elles a fait des bêtises, qu’elle est ruinée et va faire faillite ? 

 

Je vous rappelle qu’une entreprise ou une banque est en faillite lorsqu’elle ne peut plus rembourser ses dettes. Pour vous mettre sur la piste, dîtes-vous bien que chaque jour les banques se prêtent entre elles, et qu’il arrive que certaines sont à la fois prêteuses et emprunteuses. 

 

Et puis la prochaine fois que vous retirez de l’argent au distributeur d’une banque, imaginez que derrière, de façon invisible, cette banque a peut-être emprunté quelques dizaines de millions d’euro à la banque d’à côté… 

 

Ce qu’on ne voit pas est aussi important, voire plus important que ce qu’on voit. Un grand sage a dit ça, et beaucoup d’autres sans doute !

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 7 – ET POURQUOI LES BANQUES SONT TELLEMENT DÉTESTÉES ?

  

Alors, vous avez réfléchi au problème de la faillite d’une banque et des conséquences que cela a pour les autres banques ? Apparemment, un autre sujet vous préoccupe. D’accord on reparlera de la fragilité du marché interbancaire une autre fois… 

 

Papa, tu sais, j’ai ouvert un compte en ligne. C’est formidable, je vois tout, je fais tout avec mon téléphone. Je ne comprends pas pourquoi les gens n’aiment pas les banques, pourquoi les banquiers sont détestés. Moi, je ne déteste pas mon banquier puisque je ne l’ai jamais vu.

 

Ah ! Cette histoire de la méfiance vis-à-vis des banques et des banquiers c’est une longue histoire, une histoire compliquée… 

 

Mais Papa, tu nous as dit un jour que lorsque quelqu’un répond à une question en disant « c’est compliqué », c’est qu’il ne connait pas la réponse… 

 

Dis-donc, chenapan, tu devrais savoir qu’il ne faut pas toujours croire ce que disent les parents. Bon je dis que c’est compliqué parce qu’il y a plusieurs réponses à la question que tu poses. Les banquiers ne font pas un métier tout-à-fait comme les autres. 

 

C’est un métier d’argent. Et l’argent crée des réactions parfois un peu bizarres. 

 

Quand je dis que c’est compliqué, je pense au rapport des gens à l’argent. Un rapport amour-haine difficile à analyser. Il y a plusieurs réponses, plusieurs explications qui s’ajoutent les unes aux autres. Mais ce qu’on ne sait pas, c’est laquelle de ces explications est la plus importante. Je vais vous en donner quelques-unes aujourd’hui.

 

On en reparlera plus tard. 

 

Et entre-temps, vous aurez réfléchi de votre côté. Vous en aurez parlé à vos amis, et on refera le point ensemble. 

 

Il faut savoir tout d’abord que la détestation des banques et des banquiers remonte loin dans l’histoire. De tout temps on s’est méfié des métiers d’argent. Une méfiance inspirée principalement par les religions. Les religions n’aiment pas l’argent, et les religions ont été longtemps puissantes, elles ont longtemps dominé la politique.  D’ailleurs il y a encore dans le monde des pays dont les chefs d’État sont également les chefs religieux.

 

Toutes les religions ont une relation particulière avec l’argent et ça ne date pas d’hier. 

 

En fait, les choses n’ont jamais été simples. Il faut savoir qu’il y a eu des banquiers catholiques, des banquiers protestants et des banquiers juifs tous célèbres à un moment ou à un autre. Les banquiers catholiques du nord de l’Italie, les Lombards par exemple étaient réputés pour leur créativité dans le domaine du commerce international ou de la comptabilité. 

 

Le mot banque vient d’ailleurs de l’italien « banco » parce que les banquiers de l’époque faisaient leurs opérations sur des bancs. C’est là qu’ils changeaient des devises ou prenaient des dépôts. Je suppose qu’ils ont vite troqué leurs bancs pas très commodes et pas très sûrs pour des bureaux plus confortables et des chambres fortes bien gardées. 

 

Il y a eu des banquiers juifs réputés, comme les Warburg, ou aujourd’hui Goldman Sachs. Il y a eu des grands banquiers protestants. Les Fugger, par exemple prêtaient des sommes colossales aux rois et aux princes d’Europe. François Ier et Charles Quint étaient leurs clients. 

 

A ce propos, les choses n’ont pas tellement changé. Regardez, autrefois, les rois et les empereurs empruntaient aux banques, Aujourd’hui, la France emprunte sur les marchés. Et vous remarquerez que dans l’opinion publique et même dans certains cours d’économie, on n’aime pas trop les marchés, mais c’est une autre histoire ! 

 

L’exemple des banquiers juifs montre une autre face du problème. Pendant longtemps on leur a reproché de faire le commerce de l’argent. « On » c’était principalement le monde catholique. C’était un peu hypocrite et injuste parce que s’il y avait beaucoup de banquiers juifs, c’est parce que les pays dans lesquels ils vivaient leur interdisait les autres professions. La banque était à une époque l’un des rares métiers interdits aux catholiques mais permis aux juifs. « On » était donc bien content que quelqu’un fasse ce métier, parce que sans les banques et sans crédit, il n’y a pas de vie économique. 

 

L’islam n’était pas à l’aise non plus avec le métier de banquier. Par exemple, le crédit est contraire à la religion, car les intérêts d’un prêt sont fixés en fonction de la durée. Ils dépendent donc du temps, or le temps n’appartient qu’à Dieu. Donc un croyant ne peut pas demander des intérêts à un autre croyant. 

 

En fait le problème s’est résolu en supprimant le mot « intérêts » et en ne parlant que de commissions ou de frais. Dans les pays musulmans le leasing a ainsi beaucoup de succès car c’est une forme de crédit qui ne parle pas explicitement d’intérêts. Les banquiers s’adaptent, il le fallait bien. 

 

Bon je vous expliquerai tout ça plus tard. 

 

Attends Papa, ne change pas de sujet ! Tout ce que tu nous as dit, c’était avant, c’était l’histoire ! Mais aujourd’hui, la religion a beaucoup moins d’influence et les chefs d’État ne sont plus des chefs religieux ! 

 

Oui, c’est vrai que dans les pays occidentaux, les religions perdent leur influence. Je pourrais dire qu’elles perdent des parts de marché.  Mais elles n’ont pas disparu, même si, par exemple, les églises sont de moins en moins fréquentées en France ! 

 

En fait, l’argent n’est toujours pas en odeur de sainteté dans la France d’aujourd’hui, catholique ou pas. Si la foi et la pratique religieuse sont en recul, les valeurs restent. Le rapport négatif à l’argent est toujours présent, y compris chez ceux qui qui s’affirment en dehors de la religion. Parce que c’est dans la culture des Français. 

 

Cette influence des valeurs religieuses sur les esprits est considérable. Une partie de la gauche française et de nombreux intellectuels inscrivent leur pensée dans le rejet de l’argent. Les banques et les banquiers qui incarnent l’argent qui corrompt sont les cibles de ce rejet. 

 

Il faut bien voir que les Français ne sont pas nets vis-à-vis de l’argent. Tout le monde a envie de gagner de l’argent, il n’y a qu’à voir le succès du Loto et des jeux de hasard, pour lesquels les gens dépensent des milliards. Mais on ne le dit pas.  

 

Cette attitude de déni, de non-dit vis-à-vis de l’argent a des côtés positifs tout de même. La réussite personnelle en France est moins dans le fait de gagner beaucoup d’argent et plus dans la notoriété intellectuelle ou sociale, par exemple. 

 

Je pense néanmoins qu’un changement d’attitude est nécessaire. Je vous parlerai de la culture protestante qui, elle, est non seulement tolérante, mais valorise la réussite matérielle et financière. Cette culture s’accompagne d’une morale altruiste. L’argent qu’on a gagné, il faut l’utiliser à des fins charitables. 

 

J’aime bien cette morale parce qu’elle est clean, nette, positive. On va y venir en France, par exemple par le phénomène des startups. Les créateurs de startups ont des idées, ils veulent changer les relations de travail, et aussi gagner de l’argent. Il n’y a pas de honte à être motivé par l’appât du gain. Contrairement à cette histoire bizarre du riche qui ne passera pas par le trou d’une aiguille… j’ai oublié l’histoire. Enfin vous savez, le riche ne sera jamais l’élu de Dieu. 

 

Etre clair dans sa tête, être clair dans ses valeurs est très important. Avoir honte de l’argent et aimer l’argent crée un malaise inutile et nuisible. 

 

J’y pense, je vais vous donner un petit exercice. Un très grand poète français, artiste de la langue, parle de l’argent et de ceux qui en gagnent. Pour en dire du mal, hélas.

 

Trouver qui est ce poète et trouvez-moi son poème le plus virulent…. 

 

Papa, dis-nous toi quel est ce poème inconnu !

 

D’accord. Le Savetier et le financier. Je suis sûr que vous savez qui l’a écrit ? 

 

Oui ! C’est La Fontaine !

 

 

 

 

 

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MAJ  240821

 

 

 

 

 

 



27/08/2020
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