L'oenotourisme en Bourgogne
Cet article résume un travail approfondi effectué en 2010 dans le cadre du cours Vin, Culture et Oenotourisme à l'Université de Bourgogne. Le sujet en était une étude comparative de l'oenotourisme en Bourgogne et en Allemagne.
Mon mémoire est disponible ici (voir en bas de page).
La Bourgogne doit-elle miser résolument sur l’oenotourisme ? La question, inconcevable il y a seulement une dizaine d'années, mérite d’être posée dans le contexte de méventes des vins bourguignons. Signe des temps, l'oenotourisme figure depuis peu dans les programmes d'enseignement de l'Université de Bourgogne.
Le « tourisme du vin » parait déjà bien développé en Bourgogne. Partout des caveaux sont ouverts à la dégustation et les initiatives individuelles comme les maisons d'hôtes de vignerons se multiplient. Sur un plan plus général, des fêtes de la vigne aux manifestations prestigieuses, les occasions de célébrer le monde du vin ne manquent pas.
Pourtant, force est de constater le faible l'impact de ces initiatives sur les ventes de vin, comme le montrent les dernières statistiques du BIVB. Il faut en déduire que dans sa forme actuelle l'oenotourisme bourguignon n'a pas créé une demande nouvelle de vin mais simplement déplacé la demande existante des consommateurs.
Ce que les "touristes du vin" achètent en propriété est un manque à gagner pour les autres circuits de commercialisation, de sorte que globalement, la demande ne change pas. La renommée millénaire des vins prestigieux de la Bourgogne ne suffit plus à la conquête de nouveaux acheteurs.
Une nouvelle clientèle
Le défi est donc de modifier l’offre oenotouristique actuelle pour attirer une clientèle réellement nouvelle. Il importe pour cela de bien choisir la cible que l'on souhaite atteindre.
Attirer en Bourgogne la clientèle des vins courants n'est sans doute pas souhaitable du fait de l’économie de ce type de vins basée sur l’effet volume. La Bourgogne n’est pas équipée pour recevoir dans ses vignes et dans ses hôtels des milliers de visiteurs supplémentaires. De la même manière, il ne parait pas y avoir grand sens à viser la clientèle restreinte des vins de très haut de gamme, forcément déjà au fait du terroir bourguignon. Les vins emblématiques n’ont pas besoin de l’oenotourisme. Reste donc la clientèle des vins d’appellations communales, des premiers et grands crus.
C’est un fait que parmi les amateurs de ce type de vins, beaucoup, par méconnaissance ou préjugé, se détournent des vins de Bourgogne. « Les vins de Bourgogne sont lourds » ou « Les vins de Bourgogne sont compliqués ». Ces critiques fréquentes émanent notamment d’amateurs inconditionnels des vins de Bordeaux. C’est cette clientèle que l’on doit cibler, en France et en Europe.
Soyons réalistes, cette clientèle que n’attire pas le vin de Bourgogne ne viendra pas spontanément dans les vignes de Côte d’Or ou dans les caveaux de dégustation bourguignons, aussi grands soient la convivialité et le talent des vignerons. C'est par un autre biais qu'il faut susciter son intérêt.
La Bourgogne a précisément la chance de disposer de nombreux atouts au plan touristique et culturel, des sites naturels de toute beauté, un patrimoine culturel remarquable, une gastronomie de haut niveau.
Le problème est que ce patrimoine n'est pas facilement accessible, au propre comme au figuré. La découverte des sites naturels et culturels de la Bourgogne demande du temps, la connaissance de l’histoire et de l’histoire de l’art. La gastronomie demande une initiation. Et détail qui a son importance, la circulation n’est pas simple en Bourgogne. Il faut du temps pour passer de l’Abbaye de Fontenay à Meursault, des vignobles de la Romanée Conti à Solutré. Il manque à la région une grande artère de circulation, l’équivalent du Rhin en Allemagne ou de la Douro au Portugal.
Une offre oenotouristique structurée
Dès lors, plutôt que de s’appuyer sur l’ensemble de son patrimoine, la région devrait sans doute se concentrer sur un site unique choisi comme point d’ancrage d’un ensemble de manifestations culturelles de qualité. La comparaison avec ce qui se fait ailleurs montre qu’il manque à la Bourgogne un grand festival emblématique, visible au plan européen, et une programmation qui ne se limite pas à la période estivale.
Il manque surtout le lien entre l'élément culturel et le vin. Les spectateurs français, allemands ou suisses, attirés spécialement en Bourgogne par le biais d’une série de concerts de très haut niveau par exemple, ne rêveront pas de caveaux de dégustation à l’issue des spectacles, mais plutôt d’une transition aisée vers des lieux de restauration adaptés à leur goût. C’est alors qu’entre en jeu la capacité du secteur hôtelier et des vignerons à concevoir ensemble une offre personnalisée de menus-vins subtilement combinés et destinés à faire éclore de nouvelles passions pour les vins de Bourgogne.
Ces quelques observations mettent en évidence la complexité de l'oenotourisme, dont les vignerons et les caveaux de dégustation ne constituent en fait que la face émergée. L’oenotourisme repose sur la mise en scène structurée d’une région vinicole dans le but d'attirer les visiteurs et de favoriser les achats de vins locaux.
La conception d’une offre oenotouristique ciblée suppose la combinaison de prestations spécialisées dans les domaines de la culture, de l’aménagement touristique, de l’hôtellerie, de la restauration, du transport, de l’organisation de grandes manifestations, du marketing du vin, de la promotion...
Implication des pouvoirs publics
Le travail nécessaire de réflexion et de coordination des secteurs concernés dépasse le cadre des seules organisations viti-vinicoles. C’est clairement à la puissance publique, et plus précisément à la Région qu’il incomberait de prendre les choses en main. De tels exemples d’action concertée sous l’égide du pouvoir régional existent ailleurs. Des régions vinicoles d'Europe pourtant moins prestigieuses ont réussi le "marketing" indirect de leurs vins par l’oenotourisme ciblé.
La première démarche consisterait donc dans l'analyse approfondie des expériences de cette nature, prélude à leur adaptation mutatis mutandis au cas particulier de la Bourgogne. Déjà citée, l’Allemagne rhénane, partiellement inscrite au Patrimoine de l’UNESCO, semble présenter l’exemple de développement oenotouristique réussi le plus pertinent pour la Bourgogne.
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