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Conférences à l'Ecole Centrale de Pékin

 

 

  

 

 

 

 La dernière: janvier 2018

 

À l’invitation de l’Ecole Centrale de Pékin, j’ai donné ma deuxième conférence sur le thème « Banques et Marchés, ce que les jeunes ingénieurs doivent savoir ». Les participants étaient les élèves des deux dernières années du cursus, auxquels s’étaient joints quelques professeurs de différentes disciplines. 

 

Pourquoi le sujet « Banque et Marchés »

 

Les entreprises dépendent de plus en plus des banques et des marchés pour investir et se développer. PME, grandes entreprises, ou start-ups, toutes doivent se conformer aux règles du jeu du monde de la finance.

 

L’ingénieur bénéficiant d’une formation générale de haut niveau ne peut pas ignorer cet aspect des choses et sa formation économique doit être complétée en ce sens. La macro-économie, l’économie quantitative, les outils comptables ou le contrôle de gestion tels qu’enseignés habituellement ont leur importance, mais force est de constater qu’ils ne préparent pas à la compréhension complète du rôle du « nerf de la guerre »...

 

La finance a ceci de particulier qu'elle et à la fois présente dans l'entreprise et dans l'actualité du monde. L'ignorer, pour l'ingénieur, c'est risquer une forme de marginalisation dans son cadre de travail. C'est aussi risquer l'absence d'esprit critique face aux représentations de cette matière dans l'univers des médias... 

 

  

  


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La première:  2009

    La formation généraliste des ingénieurs

 

J'ai profité de mon premier voyage en Chine du 25 mai au 3 juin 2009 pour rendre visite à l'Ecole Centrale de Pékin et intervenir devant les élèves de différentes promotions sur le thème de la formation généraliste. La direction de l'Ecole en Chine et les responsables des relations internationales en France, m'avaient proposé ce thème en réponse à une inquiétude diffuse des élèves - et de leurs parents - sur la finalité et les débouchés pratiques du cursus de l'Ecole.

 

 Jean Dorey, le directeur,  introduit ma conférence:. 

 

Je vous présente Monsieur Alain Lemasson qui est de passage en Chine et qui a proposé très gentiment de venir vous parler de son cursus professionnel et de ce qu’il pense d’une formation généraliste. C’est un ingénieur qui a fait des études complémentaire en gestion. Et finalement il a fait autre chose qu’un métier d’ingénieur.  Il a exercé plusieurs métiers en fait. Des métiers de financier et de banquier surtout, dans des entreprises européennes et américaines.  Pour vous qui avez du mal à imaginer ce que sera votre vie future, c’est un témoignage, c’est un exemple, c’est un parcours.    

 

Bonjour à tous. Je suis très heureux d’être devant vous aujourd’hui. Pour compléter les propos d’accueil de votre directeur je voudrais vous dire que ma présence ici a pour moi un caractère symbolique, un double caractère symbolique. D’abord c’est la première fois que je viens en Chine. Dans ma vie j’ai beaucoup voyagé j’ai travaillé pratiquement partout, sur tous les continents. Le hasard a fait que mes différents métiers, ne m’ont jamais conduit en Chine, seulement à Hong Kong. Mais Hong Kong n’est peut-être pas très représentatif, du moins ne l’était pas à l’époque.

 

Et puis double symbole je disais. Le deuxième symbole, c’est mon retour à l’Ecole Centrale. Une école que j'ai quittée à l'âge de 22 ans. Après mon diplôme, j’ai travaillé tout de suite. J’ai fait cinq métiers. J’ai été professeur d'informatique ….puis banquier. Je me suis occupé ensuite de financements internationaux dans l'aéronautique. J’ai dirigé une PME financière en Allemagne. Et enfin, je suis devenu vice président d'un groupe industriel américain. Je dirigeais la banque de ce groupe. Deux cents personnes, un ensemble de filiales en Europe. Un job passionnant, mon dernier job, quitté il y a quelques années seulement.

 

J’ai eu de la chance. Tous mes jobs ont été passionnants. Mais avant de vous parler de tout ça, je voudrais vous parler de l’Ecole, et de vous, du moins, de ce que je perçois.

 

Je n’ai pas oublié mes années de formation. Je n’ai pas oublié les années de taupe. C’est comme ça qu’on appelle ici aussi j’imagine, les années de préparation, les années de travail intensif, …d’angoisse, …de pression… et de satisfaction. La formation de l’esprit à partir des sciences abstraites, des mathématiques poussées. On n’oublie pas.

 

Je voudrais vous dire que dans le système culturel français, les grandes écoles ont une place particulière. L'Ecole Centrale et d’autres écoles plus ou moins prestigieuses, ont toutes une place importante, une place particulière reliée à une tradition.

 

C’est une tradition ancienne, une tradition qu’on appelle la formation classique. Une tradition de formation à partir des sciences abstraites, de travail intensif, de recherche de la vérité, de discipline.  

 

C'est une tradition qui remonte assez loin dans l'histoire. Une tradition issue de l'époque des grands philosophes français du 17ème, 18ème siècle, les philosophes humanistes et plus loin encore. La racine de cette tradition se situe à l'époque des philosophes grecs.

 

Est-ce que vous savez par exemple que le mot académie ou le mot lycée sont des mots inventés par des philosophes grecs? Déjà à l’époque d’Aristote, l’éducation était considérée comme un outil de valorisation de la personne humaine.

 

Détacher par l’éducation l’homme de sa naissance, donner des chances à tous. Former l’esprit à la logique et au raisonnement rigoureux.

 

Cette formation n’est pas un monopole les grandes écoles. D’autres formations poursuivent le même but. Le droit par exemple. Ma fille de 20 ans fait des études de droit à la Sorbonne. Je redécouvre à travers elle l’univers très logique du droit, un entrainement au raisonnement rigoureux à partir d’hypothèses complexes. C'est un univers formateur. Mais il faut reconnaître que les autres formations n'ont pas votre niveau d'abstraction.

 

La formation que vous recevez est  générale et généraliste. Formation générale s'oppose à formation spécialisée. Formation généraliste veut dire que cette formation vous prépare à apprendre, qu’elle est un outil d'orientation.

 

 

Je disais tout à l’heure que la formation d'ingénieur n'a pas le monopole de la formation de l'esprit. Cette formation a quelque chose en plus. Je voudrais vous dire ce qu’elle a en plus. 

 

Un ingénieur peut devenir économiste mais à l’inverse un économiste ne peut pas devenir ingénieur. Un ingénieur peut devenir médecin ou avocat, mais l’inverse n’est pas possible. Vous voyez, ça marche dans un sens mais pas en sens inverse.  Les études abstraites demandent une grande malléabilité de l’esprit. C'est vrai, il peut y avoir des exceptions, mais ce sont vraiment des cas particuliers .

 

Je vois un certain doute dans vos regards. Sans doute pensez-vous : « Mais de quoi parle-t-il ? Nous sommes dans une école d’ingénieurs, nous préparons un diplôme d’ingénieur, et il parle devant nous de devenir banquier, avocat, économiste. Nous voulons être des ingénieurs. Nous sommes là pour ça ! »

 

Alors parlons de vous, de ce qui vous attend.

 

Ce qui vous attend n’est pas bien difficile à imaginer. A la sortie d’Ecole, avec votre diplôme, beaucoup de sociétés françaises vont s’intéresser à vous. Des grandes entreprises comme Areva, Airbus, Alstom, EADS. Des banques aussi. Je ne serais pas étonné que certains d’entre vous reçoivent des propositions de banques.

 

La plupart d’entre vous vont donc rejoindre des entreprises françaises, pour être des ingénieurs, mais quelle sorte d’ingénieurs ?

 

On ne va pas vous demander de concevoir un nouveau moteur pour Airbus ou de diriger tout de suite une usine de fabrication de Renault ou de Peugeot.  Vous serez intégrés dans des équipes dirigées par des ingénieurs expérimentés.  

 

Mais vous n’êtes pas des ingénieurs comme les autres, vous êtes des ingénieurs bilingues. Vous êtes surtout des ingénieurs dont la formation est la même que celle de la plupart de vos futurs collègues français. Vous n’êtes pas seulement bilingues, vous connaissez deux cultures. Et c’est peut-être le plus important.

 

Qu’est-ce que ça veut dire d’être un ingénieur bilingue français-chinois dans une entreprise française établie en Chine? Ca veut dire que vous aurez un rôle particulier à jouer chaque fois que la compréhension de la culture chinoise est importante.

 

Comme vous le verrez, les équipes locales ne sont pas isolées, elles reçoivent de nombreux visiteurs venus de France. Le patron de votre patron vient régulièrement, écoute, analyse, essaie de comprendre le contexte. Il y a le passage occasionnel des équipes de négociateurs français. Parfois aussi la visite du grand patron, le Président du groupe.

 

Ces visiteurs français sauront très vite qu'il y a dans l’équipe un ingénieur    de l’Ecole Centrale de Pékin. Ils chercheront tous à vous rencontrer, pour vous demander de participer à leurs réunions, ou à leurs négociations.

 

Vous savez quand on travaille dans un pays dont on ne connait pas la langue, on utilise des interprètes. Il y en a d’excellents. J’ai été souvent  bluffé par la virtuosité des interprètes en simultané. Mais dans certaines situations, il manque quelque chose à l’interprète. Il lui manque la capacité de comprendre au-delà des mots.

 

Vous, vous n’aurez peut-être pas la qualité d’interprétation d’un professionnel, mais vous aurez l’immense avantage de connaître deux cultures.

 

La culture, qu’est-ce que c’est ? C’est la culture de l’entreprise, la manière de dire les choses, un sens particulier donné aux mots. C’est aussi tout ce qu’on ne dit pas. C’est l’interprétation d’un silence de la personne qui est en face de vous. Vous serez des intermédiaires très importants pour les visiteurs dont je parlais. 

 

Quelle est la conséquence de cela ? Vous allez participer à des réunions à caractère technique en français, en anglais. Je crois que vous apprenez l’anglais aussi. Les participants français vous demanderont votre avis. Pour confirmer une traduction, interpréter une attitude. 

 

Je voudrais vous dire aussi que les conversations ne sont pas seulement techniques. Quand on reçoit le patron, on lui donne une vue globale de la situation technique et financière des projets en cours. Vous devrez comprendre le sens des chiffres de l’entreprise. 

 

Vous serez également mêlés à des discussions très générales d’ordre économique. Par exemple vous entendrez  parler de monnaies,  Dollar, Euro. Le Yuan est-il sous-évalué, sur-évalué ? Vous savez c’est un grand débat. 

 

Donc vous devrez  acquérir un minimum de connaissance dans ces domaines. Pas besoin d’avoir fait Harvard ou Stanford pour comprendre certains mécanismes de base de l’économie et de la finance.

 

Je vous le disais, des équipes de négociations seront de passage à Pékin. Ces collègues vont vous parler des négociations en cours avec un ministère ou une municipalité.

 

Vous savez les gros contrats se règlent rarement avec une seule personne. Ce n’est pas un représentant du ministère de l’économie qui décide. Ce n’est pas un haut fonctionnaire de la municipalité de Shanghai qui décide.  C’est tout un système pas toujours visible de décideurs multiples.

 

Et qui est mieux placé que vous, entre autres, pour expliquer à ces négociateurs : « Attention ce monsieur a une position importante dans la hiérarchie mais ce n’est pas lui qui décide.  Il ne vous le dira pas, c’est à nous de le savoir ».

 

Donc, dans tous ces domaines, la finance, l’économie, la politique au sens de l’organisation du pouvoir,  vous devrez très vite vous préparer et acquérir des notions indispensables. Et encore une fois, la formation généraliste qui est la vôtre vous prépare à tout ça.

 

Je voudrais aussi vous dire un mot des ingénieurs qui sortent de l’Ecole Centrale et des autres écoles françaises.

 

Dans une promotion de l’Ecole Centrale, en France, je pense qu’il y a bien la moitié, plus peut-être,  qui rentre directement dans le monde du travail, comme ingénieur. Et l'autre moitié se répartit à nouveau en deux groupes.

 

Il y a ceux qui restent dans la technique, mais qui ont choisi de faire une école d’application. Il arrive que des gens aient une vocation. Moi je voudrais faire de l’aéronautique, moi je voudrais construire des ponts, faire de l’électronique etc …Ces élèves continuent à étudier pour se spécialiser. Certains d’entre eux s’intéressent à l’enseignement ou à la recherche.

 

Et finalement, il y a le groupe de ceux qui font tout à fait autre chose. Ceux qui font de nouvelles études en sciences économiques, en sciences politiques, ou en gestion, comme cela a été mon cas.

 

Mais regardons l’évolution de ceux qui restent dans le domaine technique.

 

D’abord jeunes ingénieurs débutants, ils se voient progressivement confier des responsabilités. Après quatre ou cinq ans, ils deviennent responsables d’une petite équipe d’ingénieurs. Et leurs  responsabilités augmentent.

 

Un jour, on leur confie  des responsabilités d’un genre différent. Ils doivent gérer la rentabilité d’un secteur. Un secteur de plus en plus important. Leur statut dans l’entreprise évolue.  Ils peuvent devenir responsables de division, directeurs d’usine, d’un centre de recherches.  

 

On peut représenter cette évolution par une courbe.   L’axe horizontal est celui du temps, l’axe vertical représente les responsabilités.

 

 

La courbe bleue représente l’évolution de carrière des ingénieurs de l'Ecole Centrale en France.

 

Cette courbe a une pente régulière et des décrochements vers le haut. Ces décrochements correspondent aux changements importants de responsabilités.

 

Et puis, comme vous pouvez l’observer, on atteint une limite. La limite de la carrière technique. Certains vont franchir cette limite, et passer de l’autre côté. Leurs responsabilités sont de moins en moins techniques, et de plus en plus financières et commerciales.

 

Il y a donc un moment où l'ingénieur ne fait plus un travail technique. Il dirige un univers technique, mais son travail, c’est plus un travail de manager qu’un travail de technicien.

 

Cette durée en France, est, je pense d’environ 10 ans. Il y a des ingénieurs qui ne souhaitent pas franchir cette limite. La technique est leur passion. Jusqu’à la retraite, boum.

 

Pour vous, la situation sera très différente. Votre progression sera plus rapide. C'est la courbe rouge. Vous serez dans une situation d’accélération.

 

Vous atteindrez plus vite la limite dont je viens de parler.

 

Pour vous, je pense que ce point limite n’est pas à 10 ans, mais à 5 ans, et peut-être moins. 

 

Pourquoi ? Le bon sens !

 

En fonction du mécanisme que je vous ai décrit,  vous allez jouer un rôle d’intermédiaire, d’ambassadeur culturel. Un rôle de médiateur entre le monde qui est le vôtre, ici, et vos collègues français.  Ce rôle vous donnera une visibilité exceptionnelle. Ceux d’entre vous qui sont curieux, qui ont envie d’apprendre, de continuer à apprendre, seront repérés et vont bouger très vite. Votre double culture produira l’accélération de votre carrière. 

 

Je voudais vous parler aussi d’autre chose. Je voudrais vous parler des éléments personnels qui jouent un rôle important dans l’évolution d’une carrière.

 

Je crois qu’il y a dans notre vie à tous des  moments charnières, des moments où tout change. Il me semble que nos décisions de changement, dans la vie professionnelle, ou dans la vie personnelle, dépendent de trois facteurs.

 

Le premier facteur, ce sont les valeurs. Les valeurs, ce qu’on appelle la philosophie de vie. Les valeurs c’est ce que vous ont donné vos parents. C’est quelque chose d’immuable dans votre esprit.

 

C’est « je veux me marier avoir des enfants, Je veux avoir une vie professionnelle riche, je veux contribuer plus tard à l’éducation de mes enfants. Aider mes parents ».

 

Les valeurs, c’est aussi par exemple « je suis plus intéressé par une vie personnelle épanouie que par gagner de l'argent ».

 

Les Français n’ont pas trop la culture de l'argent. Pour toutes sortes de raisons on ne parle pas beaucoup d’argent en France, c’est même pas très bien vu. Mes enfants ne savent pas mon salaire, ne connaissent pas mes revenus ni ceux de ma femme. Pour les Américains, que je connais bien, j’ai travaillé longtemps pour eux et j’ai vécu la-bàs, c’est très différent.  

 

Les valeurs. Ca ne bouge pas, ou très peu.

 

Il y a un deuxième élément ce sont les talents.

 

Vous tous vous avez des talents. Talents pour les langues, pour les sciences. Celui-ci est très fort en maths, celui-là a un talent pour comprendre certains problèmes. Tel autre absorbe l’histoire avec beaucoup de facilité. Nous avons des talents.

  

Les talents sont fixes et variables.  A la naissance on a certains talents innés, et d’autres qui se développent plus tard. Un grand philosophe français, Voltaire, a dit « il faut cultiver ses talents ».

  

Il y a donc des talents qu’on  connaît,  il y a aussi des talents qu’on ne connaît pas, qui sont révélés par les circonstances. Tous doivent être cultivés..... (à suivre)

 

 

 

 

 Avril 2016 - Nouvelle conférence sur le thème "Banques et marchés, ce que les jeunes ingénieurs doivent savoir"

 

 

 

 

 

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07/06/2009
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