Combattre les clichés sur la finance
C’est un fait que les Français pèchent par leur faible culture économique et financière. La faute en incombe sans doute à notre histoire, et plus spécifiquement à notre système d’éducation qui fait l’impasse sur ces sujets. Et à cet égard, l’hirondelle du Prix Nobel ne fait malheureusement pas le printemps.
Que nos concitoyens aient du mal à comprendre la politique de la BCE ou la titrisation n’est au fond pas très grave. Plus préoccupant est que cette myopie économique et financière soit à l’origine de clichés erronés dans l’opinion. Des clichés tenaces, devenus avec le temps des vérités. Agissant comme des filtres du monde réel, ils ne font retenir de l’actualité que les fragments qui les confortent. Les exemples de ces clichés-vérités abondent. Au-delà des anathèmes d’inspiration marxiste qui s’abattent régulièrement sur les profits et les dividendes, on peut en citer deux parmi les plus populaires et les plus pernicieux: la finance n'est que folle spéculation, la finance est déconnectée de l’économie.
Changer le cours des choses supposerait une action résolue dans l’enseignement. On pourrait à cet égard imaginer de confier aux professeurs de philosophie l’initiation à la finance des élèves des lycées. De commencer par exemple par la notion de « titre », une invention simple et de portée considérable, susceptible de nourrir de profondes réflexions sur la notion de temps et sur la nature humaine.
Ainsi seraient expliqués, successivement, la notion d’emprunt, le passage du contrat de prêt à la reconnaissance de dette, de la reconnaissance de dette au titre au porteur échangeable, … et finalement aux actions et obligations. Et surtout, le rôle quasi-magique du marché - lieu d’échange des titres – où s’opère le passage du temps long au temps court.
Temps long de l’emprunteur, dont l’horizon de remboursement initial demeure. Temps court du prêteur, qui peut revendre ses « titres» à sa guise, parce qu’il cherche d’autres opportunités,… parce qu’il « spécule » sur les risques encourus.
L’esprit de jeu et de spéculation, propre au genre humain, s’adosse ici à une justification morale. Les « investisseurs » apportent à ceux qui en ont besoin - les « entrepreneurs » - les financements longs et sûrs que les banques ne peuvent assurer qu’en partie. Pour le plus grand bien de l’Economie.
Cet exemple a plusieurs mérites, les plus importants étant sans doute l’initiation au concept de marché et l'invite à réfléchir au deuxième sujet, la « connexion » de la finance à l’économie réelle.
Ce besoin criant de pédagogie du monde réel pourrait être étendu à d’autres domaines. Il paraît en effet urgent de fractionner les nombreuses murailles de verre qui empêchent tout un chacun de bien percevoir des éléments importants de son environnement: qu’est-ce que l’euro, qu'est-ce qu'une banque, qui sont vraiment nos voisins européens…
Il y a dans cette pédagogie de la lumière une nécessité impérieuse, citoyenne et politique. On ne peut pas rester sans réagir devant la montée de ces « idées fausses, mais simples et claires » dénoncées par Tocqueville, qui alimentent les programmes des extrêmes, de France et d’ailleurs.
Alain Lemasson
Ancien dirigeant de CNH Capital Europe
Fondateur du site infofi2000.com