anticapitalisme
UNE CHRONIQUE
d'Alain Lemasson
(Capital le 14 octobre 2023)
La France anticapitaliste
L’anticapitalisme proclamé par plusieurs partis ou syndicats est la face émergée d’une perception négative de l’économie largement répandue dans l’opinion. Cette méfiance à l’égard du monde de l’entreprise et de la finance doit être corrigée car elle est potentiellement porteuse de régression et de repli. La correction du malaise repose avant tout sur un complément d’information et d’éducation.
Les programmes d’économie actuels en France portent en effet une part de responsabilité à cet égard, autant par ce qui est dit que par ce qui ne l’est pas. Du Lycée aux Grandes Écoles, ces programmes comportent des biais anticapitalistes qu’aucun gouvernement n’a réussi à modifier à ce jour. La critique sociologique omniprésente trouble la compréhension des mécanismes proprement économiques ou financiers. Le monde des marchés financiers, effleuré, est particulièrement visé pour sa non-régulation, sous-entendu pour l’absence de régulation directe par l’État. De son côté, le monde de l’entreprise n’échappe pas à la condamnation des profits et des dividendes. Il faut observer qu’une mouvance politique puissante s’est emparée habilement de cette condamnation, liant les thèmes porteurs de la réduction des inégalités et de l’écologie à la condamnation des riches et de la croissance.
L’esprit du capitalisme
Dans un ouvrage célèbre L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, le sociologue allemand Max Weber utilise des mots simples et un raisonnement de bon sens pour légitimer cette notion de profit. Il explique ainsi qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de créer un commerce ou une petite entreprise sans avoir vérifié la rentabilité de son projet. Une rentabilité durable, gage de développement et de sécurité pour l’entreprise tout entière. Et l’élément central de la rentabilité, c’est le profit, l’argent gagnable et gagné.
On pourrait ajouter que toute entreprise en phase de développement, doit engager l’argent qu’elle n’a pas avant d’espérer un quelconque retour financier, ce qui suppose l’existence de prêteurs externes, de plus en plus disposés à prendre des risques que les banques refusent. Toutes les entreprises, des startups ou multinationales, ont besoin de la finance, et notamment de la finance des marchés.
Ces observations de bon sens ne figurent pas dans les manuels. La condamnation des acteurs de la finance pour leur responsabilité affirmée dans les crises efface la réalité de leur contribution positive et incontournable au mieux-être général. C’est un fait qu’il y a eu et qu’il y aura des crises financières, que des actionnaires vont s’enrichir, que des inégalités ne seront jamais totalement réduites et que la croissance a un impact environnemental. C’est pourtant à des entreprises que nous devons des objets et des services indispensables utilisés quotidiennement, des progrès constants dans le domaine médical ou celui de la communication et des transports. Des progrès impossibles à réaliser sans une irrigation financière assurée.
Le curseur du rôle de l’État
Le chantier du changement des programmes, a priori gigantesque, pourrait être initié avec l’appui du corps enseignant que l’on imagine majoritairement motivé par la passion de la pédagogie. L’économie a ceci de particulier qu’elle n’est de science qu’en partie. L’idée novatrice pourrait être de compléter l’enseignement des éléments de base de l’économie par l’analyse des phénomènes actuels en tenant compte de la perspective « État - Privé». La position du curseur du rôle de l’État n’a pas de fondements scientifiques, mais des présupposés culturels qu’il convient de connaître sans les juger. Une forme d’objectivité, la fameuse « neutralité axiologique » chère aux enseignants, retrouverait ainsi sa plénitude.
Alain Lemasson
Ancien banquier – Fondateur d’infofi2000
voir la chronique sur le site de CAPITAL
(le titre a été modifié)
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