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Défendre l'euro

 

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Le débat au Royaume-Uni sur la question du Brexit a montré à quel point les passions l’ont emporté sur la raison. Effet de contagion oblige, il parait inéluctable que s’enflamme tôt ou tard en France un débat tout aussi passionnel sur l’Europe et notamment sur la monnaie européenne.

 

L’euro est une notion difficile à saisir. Elément banal de la vie quotidienne d’un côté et entité abstraite de l'autre. Ce côté abstrait découle de la notion de confiance qui accompagne toute monnaie. Un élément subjectif, perçu différemment selon que l'on est dans ou en dehors de la zone concernée.

 

Aujourd'hui, les Européens utilisent l'euro comme ils utilisaient leur monnaie nationale, sans y penser vraiment. Ils n'ont pas conscience du progrès qu'il a représenté et du chaos qui suivrait sa disparition. La force de l'euro s'exprime dans son importance internationale. L'euro, deuxième monnaie de réserve au plan mondial, est devenu grâce à la Banque centrale européenne (BCE) le principal concurrent du dollar. Cette force s'exprime aussi à l'intérieur, dans son rôle protecteur dont la France a largement bénéficié.

 

Une monnaie rassurante

 

Pour s'en rendre compte, il est nécessaire de se souvenir de la période qui a précédé l’euro. L'instabilité chronique du franc était le résultat d'une inflation importante et du déficit du commerce extérieur. Ce déficit français, toujours présent, est aujourd’hui sans conséquence car largement dilué dans les excédents globaux de la zone euro.

 

L'inflation a disparu, mais le déséquilibre des comptes extérieurs s'est accentué, de sorte que le retour au franc signifierait le retour aux dévaluations sous la pression des marchés. On ne peut d’ailleurs plus vraiment parler de dévaluation puisque, faute de réserves en devises, la Banque de France ne pourrait pas annoncer une parité et s'y tenir, sauf à choisir d’emblée des chiffres « astronomiques, de l’ordre de vingt ou vingt-cinq pour cent de baisse initiale du franc.

 

A cela s’ajoute un élément critique, la conséquence d’une sortie de l’euro sur l’endettement. La baisse du franc entraînerait mécaniquement le renchérissement de la dette française publique et privée souscrite en dehors de France. Cette dette est sans commune mesure avec ce qu’il en était il y a une vingtaine d’années. D’emblée, son remboursement devrait être effectué en devises. Et tout nouvel endettement subirait une hausse vertigineuse des taux d’intérêt.

 

Un rapport de force en défaveur de la France

 

Un argument ferait à nouveau surface, celui du pouvoir légal de la France d’imposer la devise nationale dans le libellé de la dette publique. Comment croire une seconde que les créanciers actuels ou futurs de la France accepteraient une telle disposition, quand bien-même serait-elle fondée en droit français? Ils refuseraient tout net. Le rapport de force n’est tout simplement pas en notre faveur.

 

Il faut noter à cet égard que l’un des effets du quantitative easing est le transfert d’une partie de la dette française dans les livres de la BCE. Tout laisse penser que nos partenaires n’auraient pas plus d’indulgence que les marchés sur son remboursement, en cas de retour au franc.

 

Le pessimisme s’impose quant à l’issue d’un possible référendum sur l’euro . Le caractère technique et abstrait de la monnaie obscurcirait le débat, lequel se déplacerait sur un terrain politique et passionnel. Pour l’éviter, il serait nécessaire de commencer dès aujourd’hui un travail pédagogique. Sans malheureusement compter sur les responsables politiques pour le faire, en raison  des fractionnements internes sur la question. Ce travail pédagogique appartient à la société civile, laquelle doit en l’occurrence jeter toutes ses forces dans cette oeuvre … de salut public.

Alain Lemasson est président-fondateur de Infofi200

 

 

voir la tribune sur le site des Échos

 

 

 

 

 

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01/07/2016
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