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Titrisation et subprimes

 

 

ALAIN LEMASSON / AUTEUR ET CHRONIQUEUR | 

 

 

La titrisation est une technique utilisée aux États-Unis depuis le New Deal. Elle permet le financement des crédits bancaires par le marché sans les contraintes de fonds propres qui limitent les banques. Son développement en Europe parait donc bien adapté aux problèmes actuels des banques européennes. Reste à effacer le mauvais souvenir des subprimes, dont les vraies causes n'ont pas été dites.

L'histoire vraie des subprimes, ces crédits à risque qui ont paralysé la finance et l'économie mondiales, n'est pas celle qui nous a été contée ou que de talentueux réalisateurs ont portée à l'écran. L'expulsion de milliers d'emprunteurs défaillants, l’enrichissement des intermédiaires, tout cela n’est pas contestable. En revanche, l’absence de régulation, l'avidité des banques d'affaires et l’aveuglement des investisseurs, présentés comme les causes premières de la crise, n’en ont été que les facteurs aggravants. Les vraies causes sont ailleurs.

L’histoire commence avec la titrisation, l'une des mesures fortes du New Deal qui a permis le redressement de l’économie américaine. La titrisation reposait sur l'idée simple du financement du crédit par les investisseurs, en complément des banques en manque de fonds propres. Ce dispositif laissait à ces dernières leur fonction de "porte d'entrée" et de distribution sélective des prêts, ce que les Américains appellent l'origination.

Soixante-dix ans après, les mêmes banques américaines, utilisant la même technique, semblaient avoir perdu la raison en accordant des crédits immobiliers à des ménages quasiment insolvables, les fameux subprimes. Et de manière tout aussi surprenante, le "marché" absorbait sans broncher ces crédits douteux pour les transformer en titres.

On connait la suite, leur diffusion dans les circuits financiers, les mélanges avec de "bons" crédits et la création de titres sophistiqués adossés aux mille-feuilles ainsi créés. Les crédits douteux sont devenus toxiques, car faute de pouvoir les localiser avec exactitude, on les a crus partout. La crise de confiance est née de leur intraçabilité, entrainant le blocage du système bancaire au niveau mondial.

La question qui se pose est double, pourquoi les banques américaines ont-elles accordé des crédits à des clients sans ressources avec de surcroît le risque prévisible de retournement du marché immobilier, et comment ces crédits douteux ont-ils pénétré les circuits de la titrisation. 

La réponse est simple, et publique. C'est par glissement successif pourrait-on dire que les banques ont été conduites à distribuer des crédits douteux, au nom d'un principe cher aux Américains, la "diversité". La loi dite Community Reinvestment Act les a en effet incitées puis contraintes – sous peine de sanctions – à distribuer une partie des crédits aux populations marginales à faibles ressources, les obligeant ainsi à dégrader leurs critères d’acceptation. 

La titrisation de ces crédits douteux, quant à elle, a été massivement le fait d’un organisme public créé en 1938, la Federal National Mortgage Association, plus communément connue sous le nom de Fanny Mae. Un organisme placé sous  l’autorité du ministre du Logement, dont le siège est à Washington. En 2008, Fanny Mae garantissait près de la moitié des crédits immobiliers subprimes (2 000 milliards de dollars !) titrisés aux États-Unis donc avec la garantie implicite de l’État.

Un mélange explosif était ainsi constitué, par la combinaison d’un haut rendement, celui des crédits subprimes et d’un risque zéro du fait de la garantie publique. On imagine la ruée vers l’or des banques d’affaires et des hedge funds sur ces produits titrisés. Intégrés en mille-feuille à des crédits plus classiques, ils permettaient de doper le rendement global des obligations proposées aux investisseurs américains, européens, chinois ou russes.

La répétition d'un tel scénario en Europe ou en France n'est pas concevable. C'est pourtant cette crainte qui freine l'introduction de la titrisation, à un moment où les banques européennes, en manque de fonds propres, peinent à répondre à la demande de crédits des entreprises. Les banques et la première d’entre elles, la BCE évoquent déjà, à demi-mot, leurs projets dans ce domaine. 


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19/10/2011
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